mardi 11 novembre 2014

Les Pays-Bas développent un outil psychométrique pour lutter contre le djihadisme en Occident


Par Esam Sohail
Special to IPT News
3 novembre 2014

Traduction française : Johan Bourlard

Le libéralisme légendaire des Néerlandais n’a d’égal que leur bon sens à toute épreuve. Deux ans après l’assassinat, en 2004, du cinéaste Theo Van Gogh par des islamistes djihadistes à Amsterdam, le gouvernement néerlandais a mis discrètement en place une sorte de test de la personnalité pour les immigrants issus d’un certain milieu socioculturel et désireux de s’établir à demeure aux Pays-Bas. En montrant aux candidats à l’immigration issus de cultures très différentes, une série de clips vidéo vantant la diversité culturelle, la laïcité, la liberté d’expression et l’égalité des sexes et en permettant aux personnes responsables d’évaluer les réactions de l’assistance, le gouvernement néerlandais a pris une décision pragmatique afin de garantir à chacun un adaptation optimale à son nouveau chez soi. Le gouvernement néerlandais reste attentif à l’évolution de ce nouvel outil de sélection mis en place comme projet pilote en 2006 et probablement appelé, dans un futur proche, à se développer à une plus grande échelle.

L’immigration, surtout celle de personnes hautement qualifiées en début de carrière, demeure vitale pour l’activité économique et les systèmes de sécurité sociale de la plupart des pays développés. Toutefois, il vaut mieux que cette nécessité aille de pair avec la sagesse. Avec des dizaines de milliers de personnes qui chaque année migrent du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du Sud-Est vers les pays anglophones, les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Australie ne peuvent pas se permettre le luxe d’attendre la mise en place sur une grande échelle d’un test pour immigrants qui existe actuellement à l’échelle plus réduite des Pays-Bas. Alors que les mesures de sécurité ont été renforcées dans tous les pays où les immigrants cherchent à s’établir, les démocraties anglophones présentent toutes un défaut commun et systématique : tous les candidats à l’immigration sont soumis aux mêmes batteries de procédures de sélection qui souvent évaluent selon les mêmes critères un chrétien fuyant les persécutions au Bangladesh ou au Pakistan et un ingénieur islamiste qui souhaite planter au Canada le drapeau de l’Islam pour lui et ses enfants. Et ce ne sont pas les questions standards du type « Avez-vous déjà fait partie d’un groupe terroriste ? », ni les contrôles de routine des organes d’application de la loi qui vont améliorer le diagnostic à cet égard. Les Néerlandais ont fini par s’en rendre compte et ont, au lieu de cela, décidé de tester l’usage de la psychométrie dans la détection de problèmes potentiels avant que ceux-ci ne deviennent réels.

Soyons francs et honnêtes quand il s’agit d’immigration en provenance de pays où les musulmans sont en très grande majorité. Pratiquement tous ces pays ont une culture où l’islamisme salafiste est en progrès, où la liberté d’expression et l’égalité entre hommes et femmes sont de plus en plus dénoncés comme les éléments d’un hypothétique complot occidental et où l’antisémitisme sous-tend les théories du complot les plus populaires. Certes tous les immigrants en provenance du Pakistan, du Bangladesh, de Somalie, de Malaisie ou du monde arabe n’adhèrent pas à de telles tendances islamistes. Mais c’est le cas de bon nombre d’entre eux, parmi lesquels pas mal de personnes diplômées et insérées dans le monde professionnel. Or ce sont ces personnes-là qui peuvent rapidement devenir les coordinateurs, les organisateurs, les sympathisants, les bailleurs de fonds et même les pourvoyeurs du djihadisme dans le monde civilisé (A-t-on oublié Sami Al-Arian, l’un des cadres du Djihad islamique palestinien, et Faisal Shahzad qui projetait de se faire exploser sur Time Square ?). À l’heure où l’on voit d’obscurs sympathisants de l’État islamique à Chicago, des djihadistes meurtriers dans les rues de Londres et des convertis à l’islam se déchaîner à Ottawa, il est bon de mettre en quarantaine le virus djihadiste – dormant, passif ou actif – dès qu’il germe. Alors que les Néerlandais ont montré la marche à suivre, le reste du monde civilisé devrait improviser.

La psychométrie n’est pas une science exacte et aucun examen psychologique ni aucun test de la personnalité n’est fiable à 100 pourcent. En plus de toute cette incertitude, ces mesures prennent du temps et coûtent de l’argent, autant de contraintes bien réelles pour les agents qui délivrent les visas et les contrôleurs des douanes. Pourtant ces outils sont de plus en plus sophistiqués et un nombre croissant d’organismes privés et publics y ont recours dans leurs procédures de recrutement. En disposant de professionnels de l’immigration aguerris et capables de discerner et d’effectuer des ciblages assez précis, ce genre d’instruments psychométriques peut s’avérer être une arme vitale contre le terrorisme djihadiste potentiel.

Les candidats à l’immigration à long terme venant de certaines régions devraient être informés – quitte à les choquer – sur l’importance fondamentale de la liberté d’expression, de la liberté religieuse (critique ou apostasie), de l’égalité des droits indépendamment du sexe ou de la religion ainsi que des principales libertés individuelles. Ils devraient être évalués sur leurs réactions au moyen de tests d’évaluation performants et de qualité professionnelle qui permettraient d’éclairer les responsables de l’immigration dans leurs décisions d’accorder ou non des autorisations de séjour. Il est vrai que ce genre de méthodes pourrait conduire à pénaliser certaines croyances. Mais si ces dernières cautionnent moralement le meurtre des apostats et la punition des femmes portant des minijupes, devrions-nous en pleurer ? Et même si l’examen de ceux qui désirent vivre dans une société pluraliste conduisait à verser quelques larmes, ne serait-ce pas préférable à cette autre situation où l’on verrait couler non plus les larmes mais le sang ?

Esam Sohail est chercheur dans le domaine pédagogique et maître de conférences en sciences sociales. Il écrit depuis le Kansas, aux États-Unis.

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