Par Johan Bourlard
Historien et islamologue
28 mars 2016
À
la suite des attentats de Bruxelles du 22 mars, l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB)
a appelé tous les imams du pays à organiser, le vendredi suivant 25 mars, une
prière pour les victimes des attaques terroristes. Une initiative que le Conseil
des Théologiens a refusé de soutenir au
motif que toutes les victimes ne sont pas musulmanes et qu’il n’est pas
permis au musulman de prier pour un non-musulman.
Toute
scandaleuse qu’elle puisse paraître, cette décision s’inscrit dans la droite
ligne des prescriptions millénaires de la charia, la loi islamique fondée sur
le Coran – considéré comme la parole d’Allah – et la Sunna – norme de conduite
construite sur l’exemple de Mahomet. Ces prescriptions, fixées dans des traités
juridiques à l’époque médiévale, n’ont pas évolué depuis étant donné que les
juristes-théologiens musulmans les considèrent comme d’origine divine. Ainsi, concernant
la prière pour les non-musulmans, le Coran déclare :
« Jamais tu ne prieras sur celui d’entre
les infidèles qui sera mort, et jamais tu ne te dresseras sur sa tombe. Ces gens
sont des infidèles envers Allah et Son Apôtre [Mahomet], et ils meurent
pervers. » (Coran 9, 84)
« Égal est, pour ce qui les touche, que
tu demandes pardon pour eux ou que tu ne demandes point pardon pour eux. Allah
ne leur pardonnera point. Allah ne saurait guider le peuple des pervers. »
(Coran 63, 6)
Par
ailleurs, la prière que l’EMB recommandait de faire pour les victimes
consistait en la récitation de la Fatiha, la première sourate du Coran. Pour un
juriste-théologien qui se cramponne vaille que vaille à l’interprétation
traditionnelle de la charia (Coran et Sunna), un tel acte est tout simplement
impensable. En effet, la Fatiha se termine par une invocation à Allah, formulée
comme suit :
« Guide-nous dans le droit chemin,
le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas ceux qui ont encouru Ta
colère, ni des égarés. » (Coran 1, 6-7)
La
Sunna
explicite ce passage en affirmant que les premiers – ceux qui ont fait l’objet
du courroux divin – désigne les juifs et les seconds – les égarés – les
chrétiens. Les exégètes (commentateurs du texte sacré) musulmans se sont, au
fil des siècles, rangés à cet avis au point que le passage coranique est
aujourd’hui encore interprété et enseigné dans ce sens.
Le
Conseil des Théologiens de l’EMB n’a donc pas agi sur un coup de tête. Littéralement
prisonnier des textes de loi islamiques qu’il applique de façon machinale, le
Conseil n’a pas eu d’autre choix que de refuser d’inviter les imams à prier
pour les victimes non-musulmanes des attentats de Bruxelles. Si l’islam pratiqué
par des musulmans à titre individuel peut s’accommoder des valeurs occidentales,
il n’en va pas de même de l’islam institutionnel qui reste à ce jour figé dans
des conceptions dépassées selon nos lois et nos valeurs mais sacrées et donc
intangibles selon la loi islamique.
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