IPT News
22 octobre 2014
Version originale anglaise : Death and Terror in Ottawa
Traduction française : Johan Bourlard
Des responsables canadiens ont déclaré à la presse que le terroriste Michael Zehaf-Bibeau était un converti à l’islam. Il avait consulté des sites internet djihadistes incitant les gens à « perpétrer des attentats au Canada. » Dans un discours qu’il a tenu mercredi soir, le Premier ministre canadien, Stephen Harper, a qualifié cette attaque d’attentat terroriste.
Deux personnes, un soldat de réserve de Hamilton (Ontario) et son assassin présumé ont été tués mercredi matin lors d’une attaque qui a débuté au Mémorial national canadien de la Guerre.
Un terroriste armé a été abattu peu après dans l’enceinte du Parlement tout proche. On ne sait toujours pas si d’autres personnes étaient impliquées dans l’attentat. Dans une vidéo prise par un journaliste du média canadien Globe and Mail on peut entendre une fusillade à l’intérieur du Parlement qui a coûté la vie au tireur.
Les autorités canadiennes laissent filtrer peu de renseignements mais on sait que l’assassinat de Nathan Cirillo, âgé de 24 ans, survient deux jours après la mort d’un autre soldat canadien percuté près de Montréal par une voiture conduite par un nouveau converti à l’islam.
Mercredi après-midi, selon CBS News, des responsables canadiens ont indiqué à leurs homologues américains que le tireur abattu est Michael Zehaf-Bibeau, d’origine canadienne, âgé d’environ 32 ans. Selon un message posté sur Twitter, le groupe terroriste EIIL a publié une photo affirmant qu’il s’agissait de Zehaf-Bibeau.
S’il s’avère que l’agresseur de mercredi est également un islamiste radical, ce serait au moins le quatrième attentat perpétré par des radicaux musulmans en Amérique du Nord ces derniers mois.
Lundi, c’est Martin Couture-Rouleau, âgé de 25 ans, qui a été abattu après avoir foncé avec sa voiture sur deux soldats canadiens. Il aurait dit à un opérateur des urgences qu’il agissait au nom d’Allah. L’un de ses amis a confié à des journalistes que Rouleau s’était radicalisé après s’être converti à l’islam il y a environ un an et qu’il rêvait de mourir en martyr.
Son passeport lui avait été retiré et il figurait parmi les 90 personnes suspectées d’être des radicaux islamistes et surveillées par les autorités canadiennes. Lors d’une conférence de presse organisée mercredi après-midi, les responsables ont refusé de dire si l’homme abattu au Parlement figurait également sur la liste des personnes placées sous surveillance.
La semaine dernière, avant les attentats, le Canada avait relevé son niveau d’alerte anti-terroriste pour la première fois depuis quatre ans. Selon un porte-parole, cette décision avait été prise à la suite d’une « recrudescence de déclarations émanant d’organisations radicales islamistes comme (l’EIIL), Al-Qaïda, Al-Shabaab et d’autres groupes représentant une menace réelle pour les Canadiens. » Un avis du Centre intégré d’évaluation du terrorisme (CIET) au Canada prévient que « un individu ou un groupe au Canada ou à l’étranger a l’intention et la capacité de commettre un acte terroriste. Le CIET estime qu’un acte de violence terroriste pourrait se produire. »
Toutefois lors de la conférence de presse de mercredi, les responsables ont déclaré qu’aucune mesure supplémentaire de sécurité n’était mise en place au Mémorial de la Guerre ou au Parlement.
Les États-Unis ont également été le témoin de meurtres commis par des gens faisant référence à l’idéologie islamiste comme source de leur motivation.
Le mois dernier, Alton Nolen, converti à l’islam, a décapité l’un de ses collègues et a agressé une autre personne après avoir été licencié de son poste dans une entreprise alimentaire. Alors que le meurtre a été répertorié comme un acte de violence sur le lieu de travail, les messages postés par Nolen sur les réseaux sociaux contenaient une photo d’Oussama Ben Laden et celle d’une décapitation, sans compter les commentaires antisémites et anti-américains. « La charia va arriver », déclarait l’un de ces messages inscrit sous une photo du Pape.
Pendant ce temps, un homme de Seattle, Ali Muhammad Brown, invoquait sans cesse sa foi musulmane lors de son interrogatoire par les enquêteurs d’une affaire de quatre meurtres survenus entre Washington et le New Jersey. Chaque victime avait été tuée de plusieurs balles.
« Ma vie est fondée sur la vie pour la cause d’Allah », a déclaré Brown. « Vivre pour la cause d’Allah, c’est vivre pour Allah et mourir pour Allah. »
Alors que certains détails de cet interrogatoire n’ont été relatés que dans des documents judiciaires, l’Investigative Project on Terrorism a obtenu une copie de l’intégralité de l’échange qui a duré 1 heure 44 minutes.
Brown a exprimé du mépris pour les personnes homosexuelles – on pense que deux de ses victimes l’étaient – décrivant l’homosexualité comme « tout à fait contre nature » et déclarant que l’État permet à « ce mal de proliférer. »
À plusieurs reprises il a évoqué l’idée d’un califat islamique ou d’un pouvoir islamique comme seul moyen de restaurer l’ordre dans la société américaine. Brown est également suspecté d’avoir commis plusieurs vols d’armes dans le New Jersey. Il a dit aux enquêteurs avoir pensé quitter l’Amérique pour « aller dans le pays où Dieu Tout-Puissant, Allah, règne et est respecté. »
Selon Brown, les musulmans ne peuvent pas pratiquer leur religion en Amérique « étant donné que le djihad fait partie de notre religion. »
Mais la loi islamique, sous l’autorité d’un califat, peut guérir la société américaine de ses maux, a-t-il dit, citant les châtiments cruels réservés à ceux qui enfreignent la loi. La prison ne fonctionne pas. Par contre en islam, « vous coupez la main publiquement pour que chacun en soit témoin. Vous évitez alors un grand nombre de vols… Si vous décapitez quelqu’un en public, dans la rue, vous diminuez alors ce genre de problèmes. »
Ni Brown, ni Nolen n’a été inculpé pour terrorisme.
Il y a un an et demi, Dzhokhar et Tamerlan Tsarnaev posaient des bombes artisanales sur la ligne d’arrivée du marathon de Boston. Tamerlan avait été tué dans une fusillade qui avait éclaté par la suite avec la police. Alors qu’il se cachait pour échapper aux policiers, Dzhokhar Tsarnaev écrivait que les attentats étaient une action de représailles contre l’intervention militaire américaine en Irak et en Afghanistan.
« Si vous attaquez un musulman, vous attaquez tous les musulmans », écrivait-il.
Malgré ces déclarations de première main, des groupes islamistes et certains défenseurs continuent de prétendre que la religion n’a rien à voir avec la violence terroriste.
Ce genre de fait s’est déjà produit. En 2006, un groupe connu sous le nom de « Toronto 18 » avait été arrêté alors qu’il planifiait une série d’attentats terroristes contre des députés, le Premier ministre et le Parlement. L’un des membres du groupe aurait été tué récemment alors qu’il combattait en Syrie.
Aux États-Unis le psychiatre de l’armée, Nidal Malik Hasan, a tué 13 personnes et en a blessé 32 autres dans une fusillade à Fort Hood, au Texas. Cet attentat a suivi une série de communications de Hasan avec Anwar al-Awlaki, un religieux d’Al-Qaïda établi au Yémen. Bien qu’Awlaki ait été par la suite tué par un drone américain, l’attentat de Hasan n’a jamais été considéré par le gouvernement américain comme un acte terroriste, privant ainsi les victimes du Purple Heart [NdT médaille militaire américaine].
Quand, par la suite, le soldat Naser Jason Abdo a été arrêté alors qu’il tramait un complot terroriste visant à nouveau Fort Hood, il a raconté à sa propre mère que « la raison de tout ça, Maman, c’est la religion ».
« Quand il arrive du mal » aux musulmans, disait-il, « on doit réagir face à ça ».
On ne sait pas encore si Zehaf-Bibeau partageait la même idéologie ou s’il était animé par de tout autres motifs. Quoi qu’il en soit la hausse des attentats terroristes isolés est un sujet de préoccupation et un défi grandissant pour les responsables des renseignements et de la sécurité au Canada et aux États-Unis.
Bienvenue sur le blog de Johan BOURLARD (historien, islamologue et traducteur)
samedi 25 octobre 2014
vendredi 24 octobre 2014
Qatar, Gaza, même combat
par Reuven Berko
Special to IPT News
15 octobre 2014
Version
originale anglaise : Guest Column : The Road from Qatar
to the Gaza Strip
Traduction française : Johan Bourlard
Dans
un discours qu’il a prononcé récemment, l’ambassadeur israélien aux Nations
unies, Ron Prosor, a évoqué le rôle central joué par le Qatar dans le soutien
aux organisations terroristes internationales. L’argent que le Qatar verse au
Hamas, par exemple, a servi au creusement des tunnels qui, partant de la bande
de Gaza vers Israël en passant sous la barrière de sécurité, étaient destinés à
perpétrer des attaques terroristes sur le territoire israélien. Cet argent a
également financé les milliers de roquettes lancées depuis des années sur des
cibles civiles israéliennes. En réponse à cette déclaration, le porte-parole du
Département d’État américain, Marie Harf, a pris la défense du Qatar en
affirmant que ce pays jouait un rôle positif majeur dans la recherche d’une
solution au conflit israélo-palestinien.
Le
financement d’organisations terroristes islamistes par le Qatar partout dans le
monde est un secret de polichinelle connu de toutes les agences de
renseignement de la planète, y compris de la CIA, et révélé au grand jour par
Wikileaks qui montre clairement le transfert de fonds du Qatar vers Al-Qaïda. Le
Qatar finance également les mouvements terroristes d’opposition au régime d’Assad
en Syrie, comme le Front Al-Nosra ; il encourage le terrorisme
anti-égyptien dans la Péninsule du Sinaï et en Égypte même ; il est aussi impliqué
dans le terrorisme islamiste en Afrique et ailleurs. Son rôle dans les
opérations terroristes visant Israël et l’Égypte (à travers les Frères
Musulmans) s’accompagne d’une propagande brutale et incendiaire diffusée sur sa
chaîne de télévision Al-Jazeera.
Le
Qatar dépense également des millions de dollars dans le soutien au Mouvement Islamique,
la branche israélienne des Frères Musulmans dirigée par le cheikh Ra’ed Salah. Ce
Mouvement est responsable d’actes de provocation permanents sur le Mont du
Temple, en Judée, en Samarie et enflamme l’ensemble du monde islamique contre
Israël en prétendant que les juifs essaient de détruire la mosquée d’Al-Aqsa et
de la remplacer par le Temple juif. Ces incitations se sont poursuivies alors
même que l’organisation sœur du Mouvement Islamique, le Hamas, tirait des
roquettes sur Jérusalem, exposant ainsi au danger à la fois les mosquées du
Mont du Temple et les sites sacrés juifs, chrétiens et musulmans de Jérusalem.
En
tant que représentant du Qatar, le Mouvement Islamique, qui n’a pas encore été
déclaré illégal en Israël, a soutenu de différentes façons le Hamas durant l’opération
Bordure protectrice en fomentant des émeutes, en bloquant des routes et en
essayant de provoquer une troisième intifada qui aurait dû, pensaient-ils, rallier
les Arabes israéliens en vue de causer la mort de milliers d’Israéliens par les
tirs de roquettes et les attaques depuis les tunnels planifiées pour la veille
du Nouvel An juif.
Dans
le discours qu’il a tenu dernièrement à l’ONU, le Premier ministre israélien
Benyamin Netanyahou a réfuté les accusations de « génocide » du
peuple palestinien portées par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud
Abbas, et a rappelé à l’auditoire l’utilisation, par le Hamas, des civils
palestiniens comme autant de boucliers humains et les tirs de roquettes visant
systématiquement des civils israéliens. Malheureusement, il n’a pas parlé de la
charte du Hamas, qui appelle au meurtre de tous les juifs. Abbas dirige
actuellement un gouvernement d’unité nationale dont le Hamas est un membre à
part entière. Une telle situation engage Abbas à réaliser ce projet de massacre
du peuple juif – un vrai génocide celui-là – et c’est une honte que la
communauté internationale ait permis à un tel individu de s’adresser aux
Nations unies au lieu de le juger pour crimes de guerre.
En
fait, les similitudes entre le Hamas et l’EIIL ressortent clairement de la
charte du Hamas qui définit ce dernier comme faisant partie du mouvement
islamiste mondial des Frères Musulmans. L’un de ses objectifs est de combattre
« l’impérialisme des infidèles chrétiens » et de ses émissaires
sionistes en Israël dans le but d’imposer au monde la charia, la loi religieuse
islamique. Selon le paragraphe 7 de cette charte, l’intention du Hamas est de
massacrer tous les juifs, conformément à l’ordre donné par Mahomet et par ceux
qui se réclament de lui. C’est cet élément qui est aussi à la base de la menace
proférée par le « calife » de l’EIIL, Abou Bakr al-Baghdadi, qui a
déclaré que sous son commandement, l’Islam va « noyer l’Amérique dans le
sang ».
Tout
au long de son histoire, le Hamas, à l’instar de l’EIIL, a soutenu le concept
du califat mondial qu’il s’emploie à bâtir en créant son propre émirat
islamique sur les ruines de l’État d’Israël. Depuis sa fondation, le Hamas a
attaqué Israël et massacré des milliers de citoyens exactement comme l’EIIL a
attaqué et massacré les « infidèles ». Ils partagent les mêmes
slogans, comme « Il n’y a pas d’autre divinité qu’Allah » et
« Allah, le prophète Mahomet », qu’ils inscrivent sur leurs drapeaux
et bandeaux. Les terroristes du Hamas se sont fait exploser dans des bars, des
hôtels, des restaurants, des bus, des centres commerciaux et des marchés
israéliens, autant de lieux fréquentés par de nombreux civils. La manière dont
le Hamas a exécuté des personnes suspectées de collaboration, durant les
derniers jours de l’opération Bordure protectrice, ressemble à l’exécution de
Daniel Pearl par Al-Qaïda et à la décapitation de James Foley et d’autres par
l’EIIL.
Pendant
des décennies, le Hamas n’a cessé de perpétrer des attaques terroristes
meurtrières contre Israël, dont les auteurs arborent, à l’instar des
terroristes de l’EIIL, le bandeau avec l’inscription « Allah, prophète
Mahomet ». Malgré cela, il est rare que la communauté internationale
manifeste son soutien à Israël ou tienne compte du fait qu’en soutenant Israël,
elle défend l’Occident qui n’a pas réussi à comprendre que « l’islam
politique » inspiré des Frères Musulmans est en train de s’installer dans
l’arrière-cour du monde libre et que la bombe à retardement est réglée pour
exploser plus tôt que prévu. L’Occident, qui n’a pas condamné clairement le
Qatar pour son soutien affiché au Hamas ni pour ses activités terroristes
contre Israël, n’a pas non plus demandé l’arrêt de ces activités.
Alors
qu’Israël ripostait aux attaques de roquettes du Hamas visant des civils et
empêchait ainsi la mort de milliers, voire de dizaines de milliers de civils
israéliens, la communauté internationale exigeait une réponse
« proportionnée ». Cette demande a empêché Israël de riposter comme
il se devait et a encouragé le Hamas à tirer encore plus de roquettes sur des
« cibles militaires » comme Tel Aviv et Jérusalem. Alors qu’Israël
construisait sa barrière de protection destinée à empêcher les kamikazes du
Hamas de s’introduire sur le territoire israélien pour se faire exploser au
milieu d’une foule de civils, la communauté internationale s’insurgeait et
s’empressait de reprendre la rhétorique palestinienne du « racisme »
et de « l’apartheid », jouant ainsi volontairement le jeu du Hamas et
de Mahmoud Abbas. Cette réaction s’est produite alors qu’Israël est le seul
État véritablement démocratique du Moyen-Orient dans lequel Juifs et Arabes
peuvent vivre en paix sans « apartheid ».
Aujourd’hui,
le président américain Obama déclare avoir « sous-estimé » la menace
représentée par l’EIIL, alors qu’Israël alerte le monde contre un islam
extrémiste et guerrier depuis au moins dix ans, quand Netanyahou, dans son
discours à l’ONU, mettait le monde en garde à propos d’un Iran puissance nucléaire.
Bizarrement,
la communauté internationale s’est montrée silencieuse à propos des génocides bien
réels qui ont été perpétrés dans les pays arabes voisins d’Israël. Dans ces
pays-là, les descendants des réfugiés palestiniens de 1948, qui constituent
actuellement la quatrième génération,
continuent à vivre dans des camps de réfugiés, n’ont pas la citoyenneté, sont
exclus du marché de l’emploi et ne peuvent bénéficier des avantages sociaux. En
revanche Israël a absorbé des centaines de milliers de réfugiés juifs, parmi
lesquels de nombreux déshérités qui avaient fui l’Europe et avaient été
expulsés des pays arabes au moment de la fondation de l’État. À tous ceux-là ainsi
qu’aux Arabes restés en Israël après la Guerre d’Indépendance, Israël a accordé
la citoyenneté et des droits pleins et entiers.
Israël,
qui n’a rien contre le peuple palestinien, aimerait voir la bande de Gaza
reconstruite à la fois pour des raisons humanitaires et pour donner quelque
chose à perdre au Hamas. Par contre les éléments islamistes radicaux, tels le
Hamas, l’EIIL, Al-Qaïda, le Front Al-Nosra et le Hezbollah qui sont tous
financés par le Qatar, ne veulent pas voir de solution au conflit
israélo-palestinien. Ils partagent tous le même programme fondé sur
l’alimentation du conflit autour duquel doit s’unir l’Islam, sous leur
direction.
C’est
la raison pour laquelle le Qatar continue à soutenir le terrorisme islamiste
planétaire. Le 13 septembre, ce pays a payé au front Al-Nosra une rançon de 20
millions de dollars pour la libération des soldats fidjiens de l’ONU. Le monde
a loué le Qatar pour sa démarche philanthropique mais en fait il s’agissait
d’un acte digne d’une manipulation et d’une supercherie magistrales qui a
permis de remplir les caisses du Front Al-Nosra tout en donnant au Qatar l’image
du sauveur des Fidjiens. Le Qatar use à présent de la même fourberie dans la bande
de Gaza. Après avoir envoyé au Hamas des millions de dollars pour financer son
industrie terroriste anti-israélienne, il a promis, lors d’une conférence au Caire
organisée le week-end dernier, la somme d’un milliard de dollars pour aider à
la reconstruction de la bande de Gaza.
Alors
que le monde espère que l’opération Bordure protectrice était le dernier
épisode de violence israélo-palestinienne, un des hauts responsables du Hamas rappelle
leur position qui est de combattre Israël à nouveau. Pas un seul dirigeant du
Hamas n’a la volonté d’accepter une fusion complète avec l’Autorité
palestinienne en vue d’établir une direction palestinienne vraiment unifiée. Le
Hamas rejette même l’idée de désarmement ou de démilitarisation en contrepartie
de la reconstruction de la bande de Gaza et de l’avancée du processus de paix.
Malheureusement, personne n’a suggéré cette proposition comme condition
préalable au versement du moindre dollar américain pour aider à la
reconstruction de Gaza.
Tout
ce qu’il reste à faire désormais, c’est d’espérer que les milliards de dollars versés
pour la reconstruction de la bande de Gaza, seront suivis du désarmement du
Hamas et de l’établissement d’un mécanisme intègre de contrôle de l’argent et
du matériel entrant dans la bande de Gaza par l’Égypte et par Israël. Il est
impératif que ces moyens ne soient pas détournés au profit du rétablissement des
infrastructures et des tunnels du Hamas ou de la subornation des responsables
de l’UNRWA comme cela s’est produit si souvent par le passé. Tout porte à
croire que le Hamas et le Qatar sont les seuls à savoir s’il est permis de
nourrir de tels espoirs.
Reuven Berko est docteur (Ph.D)
en études du Moyen-Orient. Analyste sur des chaînes arabes israéliennes, il
écrit pour le quotidien israélien Israel Hayom et est considéré comme l’un des
plus grands spécialistes des affaires arabes en Israël.
mercredi 22 octobre 2014
Israël se prépare avant que les djihadistes syriens pointent leurs armes vers le sud
par Yaakov Lappin
Special to IPT
News
13 octobre 2014
Version originale anglaise : Israel
Prepares For When Syrian Jihadis Turn Their Guns South
Traduction française : Johan Bourlard
Si
vous demandez à des responsables de la Défense israélienne le risque que
représentent pour leur pays l’État islamique (EI) et le Front Al-Nosra en
Syrie, attendez-vous à une réponse en deux temps.
Pour
le moment, les responsables estiment que ces éléments radicaux sunnites
djihadistes ne représentent pas une menace immédiate pour les frontières et la
sécurité nationale d’Israël.
Ils
sont en effet trop occupés à combattre l’armée de Bachar al-Assad, les milices
chiites et le Hezbollah qui est intervenu aux côtés d’Assad – sans parler
d’autres groupes rebelles syriens.
À
terme toutefois, les responsables disent que ces organisations constitueront
une réelle menace pour Israël et que la meilleure chose à faire est de s’y
préparer dès maintenant.
Il
y a quelques semaines, un officier supérieur de l’armée déclarait :
« Nous les voyons déployés le long de la frontière israélienne mais nous
ne pensons pas qu’ils soient sur le point de cibler Israël. Je ne vois pas quel
serait l’intérêt du Front Al-Nosra de nous attaquer maintenant. » D’autre
part, Al-Nosra a déclaré que lorsqu’il en aura terminé avec le régime d’Assad
« le tour des Juifs viendra. Et nous nous y préparons, » a fait
remarquer ce même officier.
Chaque
matin, il faut que les Forces de Défense d’Israël observent attentivement la
zone où il fut un temps existait un pays appelé la Syrie, pour se rendre compte
de ce qui a changé. Et la plupart des matins, elles voient que beaucoup de
choses ont changé.
Ces
dernières semaines, par exemple, la branche officielle d’Al-Qaïda en Syrie, le
Front Al-Nosra, a joué un rôle clé dans la prise de la région de Quneitra, non
loin de la frontière entre Israël et le Plateau du Golan. Le commandement nord
de l’armée israélienne voit à présent des drapeaux et des combattants
d’Al-Nosra de l’autre côté de la frontière, là où récemment encore on voyait trôner
les positions militaires d’Assad et flotter les vieux drapeaux syriens.
En
septembre ce sont environ 700 membres du Front Al-Nosra ainsi que 1300 rebelles
issus d’autres organisations qui ont conquis Quneitra, une place que le régime
d’Assad tente depuis lors de reprendre – jusqu’à présent sans succès.
Si
Al-Nosra s’est déplacé vers Quneitra, c’est parce qu’il a été repoussé de la
Syrie orientale (notamment de la région de Deir ez-Zor) par son rival
djihadiste, l’État islamique, qui a proclamé un califat islamique
transnational.
Aujourd’hui
les membres de l’État islamique se situent à environ 50 kilomètres de la
frontière israélienne et à certains endroits ils pourraient finir par se rapprocher
bien plus encore.
Les
planificateurs de l’armée israélienne ne font pas qu’observer la multitude de
batailles qui font rage en Syrie, ils écoutent aussi attentivement les
déclarations des membres d’Al-Nosra disant que leur but est de conquérir
d’abord Damas et ensuite Jérusalem. Ce genre de discours est pris très au
sérieux et incite Israël à se préparer lentement mais sûrement.
Selon
l’opinion dominante au sein de la Défense israélienne, les djihadistes sunnites
finiront par pointer leurs armes vers Israël, c’est juste une question de
temps. En attendant, aussi bien le Front Al-Nosra que l’État islamique, dont
l’objectif idéologique commun est de créer un califat radical, sont en train de
prendre de l’ampleur.
Alors
qu’elles razzient des bases militaires syriennes, s’emparent d’armes et en achètent
d’autres sur le marché noir, ces deux organisations djihadistes acquièrent
toutes sortes d’armes, des plus petites aux lance-missiles portatifs en passant
par les véhicules blindés ou encore des mortiers. Il est possible que dans un futur
proche, les deux groupes soient aussi en mesure de produire leurs propres
armes, telles que des roquettes.
Parmi
les initiatives prises par Israël pour faire face aux djihadistes de Syrie, on
note pour le Plateau du Golan, la mobilisation d’une nouvelle division à
laquelle on donnera la possibilité d’effectuer en seulement quelques minutes le
déploiement d’une puissance aérienne et de frappes d’artillerie.
Dépendant
en grande partie de la surveillance accrue du secteur syrien par les
renseignements israéliens, la nouvelle division s’exerce actuellement à un
potentiel déploiement terrestre rapide en Syrie afin de répondre, si
nécessaire, à des attaques terroristes de tout type, qu’il s’agisse de
projectiles, d’intrusions hostiles ou encore de bombardements aux frontières.
Parmi
les autres initiatives, on relèvera l’achèvement, l’année dernière, de la
barrière de haute technologie le long de la frontière, dotée de toute une série
de capteurs destinés à fournir aux contrôleurs de l’armée des informations sur n’importe
quel mouvement suspect.
Ce
système multi-sensoriel, appelé « Mars en Israël », est utilisé par
le Corps de Collecte de Renseignements de l’armée israélienne. Il envoie toute
une série de signaux à partir de caméras, de radars et d’autres appareils
répartis le long de la frontière.
En
outre, l’armée israélienne voit dans les systèmes de défense aérienne, comme le
Dôme de fer ou la Fronde de David, un moyen capital de protection du nord
d’Israël contre des menaces syriennes potentielles.
Tsahal
est également en mesure d’ordonner à ses corps d’artillerie de lancer des
missiles sol-sol de précision Tamouz, pour des frappes précises contre des
cibles situées en Syrie.
Outre
la puissance militaire, Israël cherche également à adopter une attitude plus conciliante
envers les Syriens vivant près de la frontière. Dans cette optique, environ
1300 Syriens blessés durant la guerre civile ont été soignés dans des hôpitaux
israéliens.
De
telles mesures pourraient quelque peu réduire la menace mais une confrontation
avec les radicaux djihadistes demeure à l’avenir une quasi-certitude.
Un
danger supplémentaire réside dans le fait que la Syrie deviendra probablement un
centre de production du djihad d’où sortiront des terroristes qui essaimeront partout
dans la région.
Cette
évolution pourrait conduire au développement de réseaux djihadistes régionaux s’étendant
de la Péninsule du Sinaï (foyer de groupes liés à Al-Qaïda comme Bayt al-Maqdis)
à l’Irak et à la Syrie où l’État islamique continue à consolider son emprise.
Aujourd’hui,
ces forces s’emploient à combattre leurs ennemis plus près de chez nous mais
demain, leur idéologie les amènera très probablement à affronter le seul État
juif du Moyen-Orient.
Yaakov Lappin est correspondant
au Jerusalem
Post pour les affaires militaires et de
sécurité nationale. Il est l’auteur de The Virtual Caliphate
(Potomac Books), un ouvrage qui explique l’établissement d’un État islamiste
virtuel par les djihadistes agissant sur internet.
lundi 20 octobre 2014
L’EIIL justifie la réduction en esclavage des Yazidis
par Daniel Pipes
National Review Online
16 octobre 2014
Version
originale anglaise : ISIS Justifies Its Yazidi Slaves
Traduction française : Johan Bourlard
Il
est un fait avéré que l’État islamique (EIIL) a réduit en esclavage les femmes et les
enfants yazidis
qu’il a capturés. À titre d’exemple, un rapport des Nations unies indique que « 300 femmes yazidies
ont été réduites en esclavage. » À présent, l’EIIL présente, dans son
journal multilingue superficiel, la justification théologique d’une telle
pratique.
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Des
Yazidis non loin de Sinjar fuient face à l’avancée de l’armée de l’EIIL en août
2014.
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Un
article de quatre pages intitulé « The Revival of Slavery Before the Hour » [La renaissance de l’esclavage avant
l’Heure]
et publié récemment dans l’édition anglaise du magazine de l’EI, Dabiq, traite principalement du thème
évoqué dans le titre, à savoir le retour de l’esclavage à l’approche du Jour du
Jugement. Le reste de l’article justifie la réduction en esclavage des Yazidis.
Ces adeptes d’une religion ancienne sont moins d’un million et vivent
principalement dans la région de Sinjar, en Irak ; ils pratiquent un culte
pré-islamique marqué par des influences soufies. L’auteur anonyme invoque le
fait qu’ils ne sont pas monothéistes et suivent une foi « qui s’écarte de
la vérité » pour justifier le fait qu’ils ne méritent pas un statut de
protégés (dhimmi).
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Malek
Taous, l’ange paon et le premier des archanges des Yazidis.
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Il
explique alors les implications de son verdict, affirmant d’abord (les
traductions entre crochets sont de moi) que
l’État islamique traite ce groupe de
personnes comme la plupart des fuqahā’ [jurisconsultes] ont indiqué qu’il
fallait traiter les mushrikīn [polythéistes].
En
d’autres termes, l’EIIL suit précisément le consensus de la tradition islamique
prémoderne.
Contrairement aux juifs et aux chrétiens,
il n’y avait pas de possibilité de payer la djizya.
La
djizya, taxe payée par les
non-musulmans à leurs suzerains musulmans en échange de leur
« protection », est un privilège réservé aux monothéistes ;
n’étant pas monothéistes, les Yazidis ne bénéficient pas de ce privilège.
Leurs femmes peuvent également être
réduites en esclavage, contrairement aux apostates qui, selon la plupart des fuqahā’,
ne peuvent qu’être sommées de se repentir ou d’affronter l’épée.
Selon
les spécialistes de la loi islamique, les Yazidis n’étant pas des apostats,
peuvent être réduits en esclavage.
Après leur capture, les femmes et les
enfants yazidis ont été répartis, selon la charia, entre les combattants de
l’État islamique ayant participé aux opérations de Sinjar. Ensuite, un
cinquième des esclaves a été transféré à l’autorité de l’État islamique au
titre de khums [le cinquième du butin revenant à l’État].
L’État
islamique a donc appliqué la doctrine islamique classique concernant le butin
de guerre.
Cette réduction à l’esclavage à grande
échelle de familles de mushrikīn [polythéistes] est probablement une première
depuis que la charia a été abandonnée. Le seul autre cas connu – quoique plus
modeste – est la réduction en esclavage de femmes et d’enfants chrétiens aux
Philippines et au Nigéria par les mujāhidīn de ces pays.
Le
passage ci-dessus renvoie au groupe Abou Sayyaf aux Philippines et à Boko Haram
au Nigéria.
Les familles yazidies réduites en esclavage
sont à présent vendues par les soldats de l’État islamique de la même manière
que les mushrikīn ont été, dans le passé, vendus par les Compagnons [du
Prophète] (radiyallāhu ‘anhum) [Que Dieu les agrée]. Plusieurs règles bien
connues sont respectées notamment l’interdiction de séparer la mère de ses
jeunes enfants.
L’EIIL
souligne à nouveau que c’est le livre qui le dit. Notez le verbe
« vendu ».
Nombre de femmes et d’enfants mushrikīn ont
accepté volontairement l’islam qu’ils s’emploient à présent à pratiquer avec
une sincérité évidente après être sortis des ténèbres du shirk [polythéisme].
L’auteur
conclut en citant trois hadiths
(récits des paroles et des actes de Mahomet) qui confirment l’utilité de
l’esclavage pour obtenir des conversions à l’islam et gagner une place au
paradis. Ainsi l’esclavage est profitable à la fois à la communauté musulmane
(qui s’agrandit) et aux individus devenus esclaves (qui peuvent accéder au
paradis). Tout le monde y gagne dans cette affaire !
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Le
temple yazidi à Lalesh, en Irak.
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Il
y a plusieurs choses à relever dans ces déclarations :
L’anglais
de l’article, fortement imprégné de langue arabe, est typique du discours de
l’EIIL, à la fois parlé et écrit. L’anglais fournit la structure alors que les
mots-clés sont formulés dans un arabe classique teinté de formes dialectales
(ex. : mushrikīn). La translittération
de l’arabe se donne des allures savantes en retranscrivant les ‘aïn (‘) et les macrons (ā, ī).
Comme
dans tous les autres aspects de la vie, l’EIIL applique avec une brutalité
éhontée la loi islamique prémoderne sans faire aucune concession aux mœurs
modernes. Il cherche à établir un califat universel comme au VIIe siècle. Les
décapitations et l’esclavage figurant parmi les injonctions coraniques les plus
choquantes pour les mentalités modernes, l’organisation trouve précisément très
jubilatoire de les appliquer et de les imposer à ceux qu’elle considère comme
infidèles.
Les
pulsions sauvagement réactionnaires de l’EIIL séduisent un nombre infime
d’observateurs alors que son zèle messianique l’a porté très loin, très
rapidement – des frontières de la Turquie aux abords de Bagdad. Mais ses
actions scandalisent la grande majorité, musulmans ou non, ce qui le conduira inévitablement
à sa perte et causera des dommages irréparables à l’islam.
vendredi 17 octobre 2014
Pourquoi la Turquie a-t-elle mal tourné ?
par Daniel Pipes
The Weekly
Standard
13 octobre 2014
Version originale anglaise : How
Turkey Went Bad
Traduction française : Johan Bourlard
Il
y a douze ans à peine, la République turque était perçue à juste titre comme un
allié exemplaire au sein de l’OTAN, un modèle d’État musulman pro-occidental et
un pont entre l’Europe et le Moyen-Orient. L’alliance militaire avec le
Pentagone sous-tendait toute une série de relations économiques et culturelles
avec les Américains. Pour nous qui travaillons sur le Moyen-Orient, le temps
passé à Istanbul, à Ankara et dans d’autres villes turques, était comme une
oasis de fraîcheur au milieu d’une région en ébullition.
Mais
voilà qu’au lendemain de ces fameuses élections de 2002, le pays a complètement
changé de cap. Dans un processus d’abord lent qui s’est ensuite accéléré dès le
milieu de 2011, le gouvernement s’est mis à violer ses propres lois, est devenu
autocratique et s’est allié aux ennemis des États-Unis. Même les plus réticents
à reconnaître ce changement ont bien été obligés de l’admettre. Si en 2012
Barack Obama classait le dirigeant politique turc dominateur, Recep Tayyip Erdoğan,
parmi ses cinq meilleurs amis étrangers, il a montré une attitude toute
différente, il y a quelques semaines, en désignant un simple chargé d’affaires pour le représenter à la
cérémonie d’investiture d’Erdoğan devenu président – une gifle publique.
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Obama
et Erdoğan ne sont plus vraiment les meilleurs amis.
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À
quoi ce changement est-il dû ? Pourquoi la Turquie a-t-elle mal
tourné ?
Antécédents
historiques
Pour
comprendre cette situation actuelle inattendue, il faut se reporter à l’époque
de l’Empire ottoman. Fondé en 1299, celui-ci établit son contrôle sur une
partie substantielle du continent européen (principalement la région des
Balkans qui reçut son nom d’après le mot turc signifiant montagne), ce qui fit de lui la seule entité politique musulmane capable
de rivaliser avec l’Europe au moment où les chrétiens occidentaux devenaient
peu à peu le peuple le plus prospère et le plus puissant de la planète. Alors
qu’au fil des siècles, l’Empire ottoman s’affaiblissait face aux autres
puissances européennes, son sort devint une préoccupation majeure de la
diplomatie européenne (la « Question d’Orient ») et on se mit à le
considérer comme une proie (« l’homme malade de l’Europe »).
Du
point de vue ottoman, la question insoluble qui se posait constamment était de
savoir ce qui était bon à prendre de l’Europe et ce qui ne l’était pas. En
général, les Ottomans trouvèrent que les innovations militaires et médicales
étaient les plus acceptables. Dans d’autres domaines, ils se montrèrent plus
hésitants. Ainsi c’est en 1493 que les juifs de l’Empire publièrent
leur premier livre au moyen de l’imprimerie à caractères mobiles ; les
musulmans, eux, attendirent des siècles, plus précisément 1729, avant de les imiter. En d’autres
termes, l’adoption des méthodes européennes fut un processus lent, difficile et
chaotique.
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Symbole
parmi d’autres, Atatürk était un dandy à l’Occidentale.
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C’est
dans ce contexte que survint la défaite ottomane lors de la Première Guerre
mondiale, suivie de la prise du pouvoir par Mustafa Kemal. L’éminent général
d’armée victorieux mit fin à l’Empire en proclamant la République de Turquie,
de loin plus réduite et limitée principalement aux populations turcophones.
Durant les quinze premières années de cette république (1923-1938), le pays fut
dominé par Mustafa Kemal qui se fit appeler Atatürk. Champion de
l’occidentalisation et contempteur de l’islam, il imposa une série de
changements radicaux qui caractérisent aujourd’hui encore la Turquie et qui
font d’elle un pays très différent du reste du Moyen-Orient, notamment par sa
laïcité, ses lois calquées sur des codes européens ainsi que l’usage de l’alphabet
latin et des noms de famille.
À
certains égards, Atatürk était en avance sur ses compatriotes notamment
lorsqu’il proposa d’installer des bancs dans les mosquées et de faire l’appel à
la prière non plus en arabe mais en turc. Presque immédiatement après sa mort
en 1938, on commença à détricoter sa politique de laïcisation. Cependant
l’armée turque, dans son double rôle de pouvoir politique ultime et de dépositaire
de l’héritage d’Atatürk, posa des limites à ces changements. Les premières
tentatives sérieuses commencèrent avec l’instauration de la démocratie dans les
années 50. D’autres tentatives suivirent mais sans succès.
Toutefois,
l’armée n’étant pas une force propice à la créativité ni au progrès
intellectuel, les maximes d’Atatürk, répétées sans cesse durant des décennies,
devinrent des formules creuses et éculées. Alors que les désaccords se multipliaient,
les partis qui conservaient sa vision des années 1920, stagnèrent et dégénérèrent
en organisations corrompues et avides de pouvoir. Dans les années 1990, les
gouvernements qui se succédèrent rapidement s’aliénèrent une partie importante
de la population.
Essor de l’AKP
Profitant
de la situation, Erdoğan fonda en 2001 avec Abdullah Gül, homme politique
islamiste lui aussi, le Parti de la Justice et du Développement (AKP).
Promettant une bonne gouvernance et une croissance économique fondées sur des
valeurs traditionnelles, le parti connut un succès impressionnant lors de sa
première campagne électorale en novembre 2002, remportant un peu plus du tiers
des suffrages. Mais en raison du refus des pachas des partis de la veille garde
de coopérer entre eux, le Parti Républicain du Peuple (CHP) fut le seul à
recueillir plus de 10 pourcents des voix, seuil à atteindre pour être représenté
au parlement.
Près
de la moitié des votes étant passés ainsi à la trappe, l’AKP avec ses 34
pourcents des suffrages remporta 66 pourcents des sièges au parlement,
transformant une majorité absolue confortable en victoire écrasante. Lors des
élections suivantes, en 2007 et en 2011, les partis d’opposition veillèrent à
ne pas disperser leurs votes, si bien que l’AKP connut un sort paradoxal : tout en augmentant le
pourcentage des suffrages en sa faveur (46 puis 50 pourcents) il perdit des
sièges au parlement (62 puis 59 pourcents).
Erdoğan
s’efforça tout d’abord de se contrôler : il se concentra sur la croissance
économique et régla les questions problématiques de l’agenda politique turc telles
que le problème chypriote, l’adhésion à l’Union européenne et le refus très
ancien de reconnaître que les Kurdes ne sont pas turcs. Par la suite, il
engrangea les succès : dans un pays affichant des taux de croissance
économique comparables à ceux de la Chine, il s’imposa comme un médiateur sur
la scène politique du Moyen-Orient (par exemple entre Jérusalem et Damas) et
comme l’islamiste favori de l’Occident. Ce faisant, il sembla résoudre l’antagonisme
vieux de plusieurs siècles entre Islam et Occident, dont il fit une synthèse apparemment
réussie.
Toutefois
l’objectif à long terme de l’AKP fut la mise au pas de l’armée : condition
nécessaire pour la réalisation de son objectif ultime à savoir le renversement
de la révolution d’Atatürk et le retour de la Turquie à un régime intérieur et
à un statut international de type ottoman. Cet objectif fut atteint avec une
surprenante facilité. Pour des raisons qui demeurent obscures, les dirigeants
des forces armées supportèrent sans broncher les accusations de complots, les
arrestations d’officiers et finalement l’éviction de l’état-major. Ce drame
prévisible ne donna lieu à pratiquement aucune protestation.
Une
fois obtenue la capitulation de l’armée, Erdoğan s’attaqua à ses rivaux
intérieurs, particulièrement son allié de longue date, l’islamiste Fethullah
Gülen, chef d’un mouvement national de masse disposant de réseaux dans les
institutions publiques clés. L’extravagance populiste d’Erdoğan fut bien accueillie
par son électorat – les Turcs se sentant oppressés par l’ataturquisme.
Galvanisé par ce succès, il apparut dans toute sa splendeur mégalomaniaque en
juin 2013 lors des manifestations du parc Gezi à Istanbul : se déchaînant
contre ses concitoyens qu’il accablait d’injures, il traîna en justice un
groupe de fans de football pour tentative de renversement de son gouvernement.
En
décembre 2013, la révélation de preuves de corruption manifeste au sein de
l’AKP conduisit non pas à une reculade mais bien à l’arrestation des officiers
de police à l’origine de la révélation. Ce comportement agressif s’étendit aux
opposants des médias, du parlement et même de la magistrature. En diabolisant
ses détracteurs, Erdoğan réjouit sa base électorale et remporta l’une après
l’autre chaque élection, accroissant ainsi son pouvoir personnel, à l’image du
président vénézuélien Hugo Chávez.
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Les
Turcs constatent qu’Erdoğan et Hugo Chávez (nés l’un et l’autre en 1954) ont
des traits communs.
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Politique étrangère
Les
relations internationales connurent la même évolution : au départ,
quelques objectifs modestes devenant au fil du temps de plus en plus ambitieux
et hostiles. La politique de « zéro problème avec les voisins »
définie par son conseiller principal en politique étrangère, Ahmet Davutoğlu, commença
à porter ses fruits : vacances avec le tyran de Damas, aide aux mollahs de
Téhéran cherchant à éviter des sanctions, relations réciproquement avantageuses
quoique tièdes avec l’État juif. Même les ennemis de toujours comme la Grèce ou
l’Arménie profitèrent de son offensive de charme.
Les grandes puissances privilégiant les bonnes relations, le projet néo-ottoman
de l’AKP consistant à rétablir la primauté du pays dans ses anciennes colonies
semblait à portée de main.
C’est
alors qu’Erdoğan montra sur la scène étrangère l’arrogance extrême dont il
avait fait preuve dans son pays et usa des pires critiques. Si la moitié de
l’électorat turc applaudit ses excès de langage, peu d’étrangers en firent
autant. Au début de 2011, alors que les soulèvements dans les pays arabes
bouleversaient le Moyen-Orient, Erdoğan et Davutoğlu ne trouvèrent rien de
mieux que de s’éclipser au point qu’Ankara vit ses relations se dégrader, voire
s’envenimer, avec nombre de ses voisins.
La
rupture avec le président syrien Bachar al-Assad, qui demeure peut-être l’un de
ses plus grands échecs, eut de nombreuses conséquences négatives : arrivée
en Turquie de millions de réfugiés arabophones indésirables, situation de guerre
par procuration avec l’Iran, obstruction des routes commerciales turques vers
une grande partie du Moyen-Orient et création de forces djihadistes à l’origine
de l’État islamique et de son califat autoproclamé. Le soutien turc aux
sunnites d’Irak précipita l’effondrement des relations avec Bagdad. Une
hostilité envers Israël digne de l’époque nazie mit fin à l’alliance la plus
forte qu’avait Ankara dans la région. Le soutien ardent qu’Erdoğan apporta au
régime des Frères Musulmans en Égypte, qui dura un an en 2012-2013, se
transforma par la suite en hostilité ouverte envers le nouveau pouvoir. Les
menaces dirigées contre la République de Chypre à la suite des découvertes de
gisements de gaz, aigrirent encore plus des relations déjà conflictuelles alors
que les entrepreneurs turcs perdaient plus de 19 milliards de dollars dans l’anarchie libyenne.
Sur
le plan international, les relations avec Washington connurent de nouvelles
difficultés quand Ankara fit mine d’acheter un système de missiles chinois. Les appels lancés aux millions
de Turcs vivant en Allemagne pour ne pas s’assimiler au pays
d’accueil créèrent des tensions avec Berlin, tout comme le rôle potentiel
d’Ankara dans l’assassinat de trois Kurdes à Paris.
Tous
ces affronts laissèrent Ankara pratiquement sans amis, les bonnes relations étant
maintenues avec un seul pays, le Qatar (peuplé de 225.000 habitants), avec le
Gouvernement régional du Kurdistan dans le nord de l’Irak, et avec les Frères
Musulmans dont le Hamas et les branches syriennes de la confrérie. Bizarrement,
malgré cet échec cuisant, Erdoğan continua à soutenir la politique de « zéro
problème ».
Perspectives
Durant
l’année qui vient, Erdoğan, fort d’un nombre impressionnant de victoires
électorales et d’un pouvoir étendu, sera néanmoins confronté à trois
défis : électoral, psychologique et économique. Son accession à la
présidence, le 28 août, nécessite une modification de la constitution qui lui
permettrait de devenir le chef de ce pouvoir exécutif fort qu’il désire tant.
Ce changement nécessitera à son tour une bonne prestation de l’AKP lors des
élections législatives de 2015 ; faute de quoi, il faudra, pour réaliser
ses ambitions, faire des concessions substantielles aux Kurdes de Turquie afin
de gagner leur soutien. Maintenant que le parti se trouve dans les mains
inexpérimentées de Davutoğlu, passé récemment du poste de ministre des Affaires
étrangères à celui de Premier ministre, on peut douter de sa capacité à remporter
les sièges nécessaires.
Ensuite,
le sort d’Erdoğan dépend de l’attitude de Davutoğlu jusqu’ici son fidèle
consigliere. Si Davutoğlu se mettait à nourrir des ambitions personnelles, ce
qui est tout à fait envisageable, Erdoğan se trouvera cantonné à un rôle
surtout protocolaire.
Enfin,
l’économie instable de la Turquie dépend de capitaux étrangers fébriles en
quête de taux de rendement plus élevés, de flux financiers douteux en
provenance des pays du Golfe et dont l’origine et le parcours posent question,
ainsi que de toute une série de projets d’infrastructures destinés à pérenniser
la croissance. Ici, le comportement très erratique d’Erdoğan (fulminant tantôt
contre ce qu’il appelle le « lobby des intérêts », tantôt contre les
agences de notations comme Moody’s et Fitch, voire même contre le New
York Times)
décourage de nouveaux investissements alors qu’un surendettement énorme menace
de plonger le pays dans la banqueroute.
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Les
capitaux fébriles ont financé des infrastructures en Turquie comme le troisième
pont sur le Bosphore.
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C’est
pourquoi si la suite ininterrompue de succès électoraux pourrait laisser croire
qu’Erdoğan continuera à dominer la vie politique turque, il existe néanmoins des
éléments de taille qui pourraient y mettre fin et la symbiose entre l’expérience
de l’Occident et la fidélité aux valeurs islamiques pourrait bien voler en
éclats.
Politique
américaine
Dotée
d’une population jeune de 75 millions d’habitants, d’une position centrale, du
contrôle d’une voie navigable essentielle, et de huit voisins dont la plupart
posent problème, la Turquie constitue un allié de premier choix. En outre, le
pays jouit d’une position prééminente au Moyen-Orient parmi les populations
turcophones établies de la Bosnie au Xinjiang et parmi les musulmans du monde
entier. L’alliance turco-américaine qui a débuté lors de la Guerre de Corée a
été très profitable à Washington qui, on peut le comprendre, n’est pas disposé
à perdre cet allié.
Ceci
dit, une alliance ne peut être le fait d’une seule partie. Les gestes posés par
Ankara –relations amicales avec l’Iran, soutien au Hamas et à l’État islamique
qui mine l’autorité de Bagdad, virulence à l’égard d’Israël et menaces contre
Chypre – rend sa qualité de membre de l’OTAN à tout le moins contestable et, au
pire, hypocrite.
Washington
doit faire remarquer que les techniques d’intimidation qui font gagner des
élections en Turquie ne marchent pas ailleurs dans le monde. Le Wall Street Journal a judicieusement proposé
de déplacer la base militaire américaine de Turquie au Kurdistan irakien.
Il faut en tous les cas désavouer le pouvoir de plus en plus dictatorial exercé
par Erdoğan tout comme il faudrait désavouer Ankara pour son occupation continuelle
de Chypre, son soutien aux terroristes et ses déclarations antisémites. Au-delà
de ces démarches, le temps est venu pour le gouvernement américain de dire
clairement que si des changements majeurs n’interviennent pas rapidement, il insistera
pour suspendre voire exclure la Turquie de l’OTAN.
Si
Erdoğan continue à se comporter en voyou, alors son ancien allié devrait le traiter
comme tel.
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