par Daniel Pipes
National Review Online
16 octobre 2014
Version
originale anglaise : ISIS Justifies Its Yazidi Slaves
Traduction française : Johan Bourlard
Il
est un fait avéré que l’État islamique (EIIL) a réduit en esclavage les femmes et les
enfants yazidis
qu’il a capturés. À titre d’exemple, un rapport des Nations unies indique que « 300 femmes yazidies
ont été réduites en esclavage. » À présent, l’EIIL présente, dans son
journal multilingue superficiel, la justification théologique d’une telle
pratique.
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Des
Yazidis non loin de Sinjar fuient face à l’avancée de l’armée de l’EIIL en août
2014.
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Un
article de quatre pages intitulé « The Revival of Slavery Before the Hour » [La renaissance de l’esclavage avant
l’Heure]
et publié récemment dans l’édition anglaise du magazine de l’EI, Dabiq, traite principalement du thème
évoqué dans le titre, à savoir le retour de l’esclavage à l’approche du Jour du
Jugement. Le reste de l’article justifie la réduction en esclavage des Yazidis.
Ces adeptes d’une religion ancienne sont moins d’un million et vivent
principalement dans la région de Sinjar, en Irak ; ils pratiquent un culte
pré-islamique marqué par des influences soufies. L’auteur anonyme invoque le
fait qu’ils ne sont pas monothéistes et suivent une foi « qui s’écarte de
la vérité » pour justifier le fait qu’ils ne méritent pas un statut de
protégés (dhimmi).
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Malek
Taous, l’ange paon et le premier des archanges des Yazidis.
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Il
explique alors les implications de son verdict, affirmant d’abord (les
traductions entre crochets sont de moi) que
l’État islamique traite ce groupe de
personnes comme la plupart des fuqahā’ [jurisconsultes] ont indiqué qu’il
fallait traiter les mushrikīn [polythéistes].
En
d’autres termes, l’EIIL suit précisément le consensus de la tradition islamique
prémoderne.
Contrairement aux juifs et aux chrétiens,
il n’y avait pas de possibilité de payer la djizya.
La
djizya, taxe payée par les
non-musulmans à leurs suzerains musulmans en échange de leur
« protection », est un privilège réservé aux monothéistes ;
n’étant pas monothéistes, les Yazidis ne bénéficient pas de ce privilège.
Leurs femmes peuvent également être
réduites en esclavage, contrairement aux apostates qui, selon la plupart des fuqahā’,
ne peuvent qu’être sommées de se repentir ou d’affronter l’épée.
Selon
les spécialistes de la loi islamique, les Yazidis n’étant pas des apostats,
peuvent être réduits en esclavage.
Après leur capture, les femmes et les
enfants yazidis ont été répartis, selon la charia, entre les combattants de
l’État islamique ayant participé aux opérations de Sinjar. Ensuite, un
cinquième des esclaves a été transféré à l’autorité de l’État islamique au
titre de khums [le cinquième du butin revenant à l’État].
L’État
islamique a donc appliqué la doctrine islamique classique concernant le butin
de guerre.
Cette réduction à l’esclavage à grande
échelle de familles de mushrikīn [polythéistes] est probablement une première
depuis que la charia a été abandonnée. Le seul autre cas connu – quoique plus
modeste – est la réduction en esclavage de femmes et d’enfants chrétiens aux
Philippines et au Nigéria par les mujāhidīn de ces pays.
Le
passage ci-dessus renvoie au groupe Abou Sayyaf aux Philippines et à Boko Haram
au Nigéria.
Les familles yazidies réduites en esclavage
sont à présent vendues par les soldats de l’État islamique de la même manière
que les mushrikīn ont été, dans le passé, vendus par les Compagnons [du
Prophète] (radiyallāhu ‘anhum) [Que Dieu les agrée]. Plusieurs règles bien
connues sont respectées notamment l’interdiction de séparer la mère de ses
jeunes enfants.
L’EIIL
souligne à nouveau que c’est le livre qui le dit. Notez le verbe
« vendu ».
Nombre de femmes et d’enfants mushrikīn ont
accepté volontairement l’islam qu’ils s’emploient à présent à pratiquer avec
une sincérité évidente après être sortis des ténèbres du shirk [polythéisme].
L’auteur
conclut en citant trois hadiths
(récits des paroles et des actes de Mahomet) qui confirment l’utilité de
l’esclavage pour obtenir des conversions à l’islam et gagner une place au
paradis. Ainsi l’esclavage est profitable à la fois à la communauté musulmane
(qui s’agrandit) et aux individus devenus esclaves (qui peuvent accéder au
paradis). Tout le monde y gagne dans cette affaire !
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Le
temple yazidi à Lalesh, en Irak.
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Il
y a plusieurs choses à relever dans ces déclarations :
L’anglais
de l’article, fortement imprégné de langue arabe, est typique du discours de
l’EIIL, à la fois parlé et écrit. L’anglais fournit la structure alors que les
mots-clés sont formulés dans un arabe classique teinté de formes dialectales
(ex. : mushrikīn). La translittération
de l’arabe se donne des allures savantes en retranscrivant les ‘aïn (‘) et les macrons (ā, ī).
Comme
dans tous les autres aspects de la vie, l’EIIL applique avec une brutalité
éhontée la loi islamique prémoderne sans faire aucune concession aux mœurs
modernes. Il cherche à établir un califat universel comme au VIIe siècle. Les
décapitations et l’esclavage figurant parmi les injonctions coraniques les plus
choquantes pour les mentalités modernes, l’organisation trouve précisément très
jubilatoire de les appliquer et de les imposer à ceux qu’elle considère comme
infidèles.
Les
pulsions sauvagement réactionnaires de l’EIIL séduisent un nombre infime
d’observateurs alors que son zèle messianique l’a porté très loin, très
rapidement – des frontières de la Turquie aux abords de Bagdad. Mais ses
actions scandalisent la grande majorité, musulmans ou non, ce qui le conduira inévitablement
à sa perte et causera des dommages irréparables à l’islam.
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