par Ravi Kumar
IPT News
16 septembre 2014
Version
originale anglaise : Syrian Brotherhood Stands Nearer to ISIS
Than to U.S.
Traduction française : Johan Bourlard
Au
moment où les États-Unis tentent de former une coalition d’alliés arabes dans
la lutte conjointe contre l’organisation terroriste de l’EIIL, connue à présent
sous le nom d’État islamique, une autre organisation cherche à profiter de la
situation en déclarant son opposition à l’intervention occidentale et sa
solidarité avec d’autres groupes radicaux djihadistes.
Selon
un porte-parole des Frères Musulmans en Syrie, les attaques lancées contre
l’État islamique par les États-Unis et ses alliés ne sont pas la réponse.
« Notre
bataille avec l’EIIL est une bataille intellectuelle », a dit Omar Mushaweh dans une déclaration
publiée le 9 septembre sur le site officiel des Frères Musulmans en Syrie,
« et nous souhaitons que certains de ses membres reviennent à la raison.
Nous faisons vraiment une distinction entre ceux qui ont été trompés, à qui on
a lavé le cerveau et qui pourraient revenir dans le droit chemin, et ceux qui sont
à la solde de l’étranger et essaient de pervertir la voie de la révolution
(syrienne). »
Plus
exactement, le première cible de toute intervention occidentale devrait être le
dictateur Bashar Al-Assad, assure Mushaweh, selon la traduction de ses
commentaires réalisée par l’Investigative Project on Terrorism (IPT).
De
tels propos devraient renforcer les inquiétudes de l’Occident concernant les
Frères Musulmans en Syrie. Les membres de la confrérie occupent en effet une
place importante au sein de l’Armée syrienne libre (ASL), cette faction qui,
entraînée et armée par les États-Unis, est censée être l’une des factions
modérées sur le terrain de la guerre civile en Syrie. Cette situation montre
aussi la difficulté de trouver des alliés véritablement modérés dans ce pays.
En comparaison avec l’EIIL, l’ALS peut toutefois être considérée comme modérée.
Après tout, l’EIIL s’est montré si violent et si brutal qu’il a été désavoué par Al-Qaïda en février.
En
outre, les Frères Musulmans en Syrie ont pleuré ouvertement la mort, la semaine
dernière, d’un chef d’Ahrar al-Sham, une faction syrienne liée à Al-Qaïda.
Le
point de vue de Mushaweh sur l’intervention américaine est partagé par d’autres
membres des Frères. Un autre dirigeant de la confrérie, Zuher Salem, a minimisé
la menace que représente l’EIIL en comparant le discours américain actuel à
celui qui a précédé l’invasion de l’Irak en 2003.
« Toutes
ces histoires que nous raconte l’Amérique sur le caractère primitif, terroriste
et menaçant de l’État islamique ressemblent à celles qu’on nous a racontées à
propos des armes de destruction massive en Irak et des crimes contre
l’humanité », écrivait Salem dans un article publié le 13 septembre par l’Arab East
Center, un think tank associé aux Frères Musulmans. « Il est ridicule de
rivaliser en condamnations du terrorisme et du meurtre du journaliste américain
alors qu’il faut être conscient que l’objectif de cette coalition dirigée
contre l’EIIL est de préparer la voie à l’hégémonie de l’Iran dans la
région. »
Yusuf al-Qaradawi, un religieux influent des Frères
Musulmans vivant au Qatar, a également critiqué la campagne militaire américaine contre l’EIIL. « Je
désapprouve complètement l’idéologie et les méthodes de l’EIIL », écrivait-il
sur Twitter, « mais je n’accepte pas du tout que la lutte soit dirigée par
l’Amérique qui n’agit pas au nom de l’islam mais bien dans son propre intérêt,
même s’il faut pour cela verser le sang. »
Bien
qu’il s’agisse de deux organisations musulmanes sunnites cherchant l’une comme
l’autre à établir un califat islamique à l’échelle planétaire, l’EIIL considère
les Frères Musulmans comme trop passifs tandis que ces derniers considèrent
l’EIIL comme inutilement violent dans la poursuite de ses objectifs.
Toutefois,
les deux mouvements ont des ennemis communs, notamment les régimes en place en
Arabie Saoudite, en Égypte, aux Émirats arabes unis et en Jordanie. Ces pays,
qui ont œuvré à la désorganisation des Frères, sont considérés par l’EIIL comme
des régimes infidèles à renverser au profit de l’extension du califat
islamique.
Preuve
supplémentaire que les Frères Musulmans en Syrie ne sont pas une force modérée,
la déclaration qu’ils ont publiée sur leur site
le 10 septembre, indique qu’ils pleurent la mort du chef d’Ahrar al-Sham,
Hassan Aboud, tué dans un attentat suicide.
« La
Syrie a donné une myriade de ses meilleurs fils ainsi que les dirigeants les
plus braves du Front islamique et d’Ahrar al-Sham » a dit Hassan
al-Hashimi, le chef du bureau politique des Frères, dans une déclaration
traduite par l’IPT. « Nous les considérons comme des martyrs. »
Ahrar
al-Sham est une organisation radicale dont l’un des fondateurs est Abu Khaled al-Suri, le représentant d’Al-Qaïda en
Syrie désigné par le chef de celle-ci, Ayman al-Zawahiri. Al-Suri a été tué en
février dans un attentat suicide qui aurait été perpétré par l’EIIL.
Dans
un message posté sur Twitter en 2013, Aboud a exprimé
clairement sa proximité idéologique avec Al-Qaïda. « Que Dieu ait pitié de
Mujahid Sheikh Abdullah Azzam. Il était un savant en matière de djihad et de
morale. » Azzam était considéré comme un mentor par Oussama Ben Laden. Il
était un adepte des thèses conspirationnistes impliquant des complots juifs et
chrétiens contre l’islam.
Al-Hashimi,
ce responsable des Frères Musulmans qui pleure la mort d’Aboud, a effectué
quelques visites aux États-Unis depuis le début de la guerre civile en Syrie.
Le
17 novembre 2013, il a pris la parole dans la mosquée controversée de Dar al-Hijrah située dans le nord de la
Virginie. C’était dans le cadre d’un programme organisé par la Syrian Emergency
Task Force (SETF) une organisation qui a travaillé en étroite collaboration
avec des membres des Frères Musulmans et dont certains représentants ont fait
des déclarations antisémites et marqué leur solidarité avec le Hamas.
Néanmoins,
la SETF s’est associée au Département d’État américain pour
mettre en place des programmes d’entraînement en Syrie. En décembre 2013, son
directeur exécutif a accepté de travailler avec une coalition
d’organisations d’opposition syriennes appelée Front islamique, même si
certaines de ses composantes, dont Ahrar al-Sham, avaient combattu aux côtés de
l’EIIL et du groupe radical Jabhat al-Nosra, ou Front al-Nosra. Quatre entités
affiliées au Front islamique ont également cautionné une déclaration appelant à « instaurer la
charia pour en faire la seule source de la législation » dans une Syrie de
l’après Assad.
L’annonce
de l’événement a été communiquée à la liste d’adresses de Dar al-Hijrah sans
mentionner toutefois qu’Al-Hashimi est le chef du bureau politique des Frères
Musulmans.
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