Par Abigail R. Esman
Special to IPT News
9 février 2015
Version originale anglaise : Guest Column: Europe on Edge One Month After
Charlie Hebdo
Traduction française :
Johan Bourlard
Cela n’aura pas duré longtemps.
Moins d’un mois après le massacre contre Charlie Hebdo et le meurtre de quatre
juifs dans un hypermarché casher de Paris, l’État islamique (IS) a envoyé un
nouveau message d’avertissement adressé cette fois à la Belgique. Dans une lettre écrite au quotidien belge Het Laatste Nieuws (HLN), l’EI affirme que « cela ne fait que
commencer ».
Cette lettre, reçue par la rédaction du journal
le 4 février, renvoie également à une série d’attentats commis en France avant
les massacres de Paris : « Ce qui s’est passé en France va se répéter
en Belgique » indique dans un français parfait la lettre dactylographiée
qui ajoute « L’EI va conquérir l’Europe depuis la Belgique ».
Selon HLN, les responsables de la lutte
antiterroriste prennent cette lettre au sérieux et croient qu’il s’agit là de
l’œuvre d’un djihadiste de l’EI. En outre, ils affirment que l’auteur de la
lettre est au courant des événements actuels en Belgique, jusque dans les
moindres détails (le texte intégral de la lettre n’a pas été publié).
Le même jour, on apprenait aux Pays-Bas la
nouvelle de la mort du djihadiste néerlandais Abu Hanief. Celui-ci venait de se faire exploser à Falloujah, devenant ainsi le quatrième
musulman néerlandais à commettre un attentat suicide en Syrie ou en Irak. Âgé
de 32 ans, Hanief figurait parmi les meneurs des manifestations pro-État
islamique l’été dernier à La Haye durant lesquelles des manifestants ont
souhaité la mort aux juifs. Bien qu’arrêté pour incitation à la haine, il a été
relâché rapidement. Et bien évidemment, en dépit des efforts du gouvernement
pour confisquer ou annuler les passeports de musulmans néerlandais soupçonnés
ou sur le point d’aller faire le djihad en Syrie, il s’est échappé peu après en
toute discrétion.
Voilà où en est l’Europe aujourd’hui :
tiraillée entre d’une part un antisémitisme qui atteint des sommets en France
et en Grande-Bretagne et d’autre part des organisations musulmanes qui réclament la mise en place de politiques
« anti-islamophobes » et de boycotts contre Israël. Et ce, alors que
depuis les attentats terroristes de Paris commis entre les 7 et 9 janvier, les
autorités de Wolfsburg, en Allemagne, enquêtent sur une cellule djihadiste liée à l’EI et
comptant pas moins de 50 membres, la plupart vivant en Allemagne, et que la
police belge a arrêté 15 personnes dans la petite ville de Verviers (56.000
habitants) et plusieurs autres à travers le pays.
On ne s’étonnera pas de voir des musulmans
qualifiés de « modérés » refuser désormais de prendre leurs distances
par rapport aux actes des terroristes musulmans – y compris les atrocités
commises par l’État islamique. On notera le cas de Shabir Burhani, un musulman
pratiquant d’une vingtaine d’années, étudiant à l’Université néerlandaise de
Leyde, qui déclare : « Nous devons accepter l’islam dans son
intégralité et ne pas essayer de l’adapter au gré des époques. La Charia en est
une partie intégrante, tout comme le djihad et l’État islamique. »
Toutefois Burhani, qui fut le porte-parole de l’organisation Sharia4Holland
aujourd’hui dissoute, a déclaré au quotidien néerlandais Trouw qu’il ne considère pas l’État islamique comme un idéal. Ce ne
sont pas les meurtres en eux-mêmes qu’il dit rejeter mais bien « la façon
dont l’État islamique s’y prend car le fait de les montrer au monde peut se
révéler contreproductif. Est-ce que cela sert vraiment l’Islam ? »
Et Burhani n’est pas le seul : dans un
forum qui s’est tenu le 16 janvier à Amsterdam, des associations musulmanes ont
présenté un manifeste contre l’islamophobie. Publié quelques jours seulement
après le massacre de quatre juifs à Paris et six mois après l’exécution de
quatre autres juifs à Bruxelles, le document commence par décrire
l’antisémitisme aux Pays-Bas – là même où Hanief appelait des centaines d’autres
à chanter « Tuez les juifs » – comme un phénomène « bénin »
alors que « l’islamophobie ne l’est pas du tout. »
Et quels sont les symptômes de cette
« islamophobie » ?
Certains sont des préoccupations
légitimes : les jeunes musulmans sont confrontés à des discriminations à
l’embauche. Des familles reçoivent des courriers haineux de la part de leurs
voisins.
Et quoi d’autre ?
Les gens demandent que les musulmans des Pays-Bas
prennent leurs distances par rapport au terrorisme islamiste.
Apparemment cela revient, selon Burhani, à de
l’anti-islam.
À présent, la France débat de l’avenir de cette laïcité qui lui est si chère et de
l’avenir de celle-ci dans une démocratie qui abrite désormais des millions de
musulmans pratiquants dont la religion contredit les idéaux laïcs. Beaucoup pensent
apparemment que la démocratie exige la possibilité pour les croyants de
pratiquer leurs croyances – toutes les croyances, dans toutes les religions,
exigées par leur foi. Cela pourrait suggérer que c’est la laïcité qui est
« islamophobe ».
Or si certains croyants exigent que leur
croyance domine toutes les autres, y compris au moyen de l’épée, que peut-on
faire ? Si Burhani a raison et si les djihadistes et l’EI mettent tout
simplement leur religion en pratique, une société démocratique peut-elle
légitimement les en empêcher ?
Oui, on le peut et même on le doit. Après tout,
la laïcité, pas plus que la démocratie, n’empêche pas les croyants de pratiquer
leur foi dans la sphère privée. Ce que nous devons faire, c’est ne pas laisser aux
musulmans radicaux et djihadistes l’occasion d’avoir raison de nos belles valeurs
démocratiques par le fait que nous avons nous-mêmes détruit celles-ci
aveuglément.
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