mercredi 22 octobre 2014

Israël se prépare avant que les djihadistes syriens pointent leurs armes vers le sud


par Yaakov Lappin
Special to IPT News
13 octobre 2014

Traduction française : Johan Bourlard

Si vous demandez à des responsables de la Défense israélienne le risque que représentent pour leur pays l’État islamique (EI) et le Front Al-Nosra en Syrie, attendez-vous à une réponse en deux temps.

Pour le moment, les responsables estiment que ces éléments radicaux sunnites djihadistes ne représentent pas une menace immédiate pour les frontières et la sécurité nationale d’Israël.

Ils sont en effet trop occupés à combattre l’armée de Bachar al-Assad, les milices chiites et le Hezbollah qui est intervenu aux côtés d’Assad – sans parler d’autres groupes rebelles syriens.

À terme toutefois, les responsables disent que ces organisations constitueront une réelle menace pour Israël et que la meilleure chose à faire est de s’y préparer dès maintenant.

Il y a quelques semaines, un officier supérieur de l’armée déclarait : « Nous les voyons déployés le long de la frontière israélienne mais nous ne pensons pas qu’ils soient sur le point de cibler Israël. Je ne vois pas quel serait l’intérêt du Front Al-Nosra de nous attaquer maintenant. » D’autre part, Al-Nosra a déclaré que lorsqu’il en aura terminé avec le régime d’Assad « le tour des Juifs viendra. Et nous nous y préparons, » a fait remarquer ce même officier.

Chaque matin, il faut que les Forces de Défense d’Israël observent attentivement la zone où il fut un temps existait un pays appelé la Syrie, pour se rendre compte de ce qui a changé. Et la plupart des matins, elles voient que beaucoup de choses ont changé.

Ces dernières semaines, par exemple, la branche officielle d’Al-Qaïda en Syrie, le Front Al-Nosra, a joué un rôle clé dans la prise de la région de Quneitra, non loin de la frontière entre Israël et le Plateau du Golan. Le commandement nord de l’armée israélienne voit à présent des drapeaux et des combattants d’Al-Nosra de l’autre côté de la frontière, là où récemment encore on voyait trôner les positions militaires d’Assad et flotter les vieux drapeaux syriens.

En septembre ce sont environ 700 membres du Front Al-Nosra ainsi que 1300 rebelles issus d’autres organisations qui ont conquis Quneitra, une place que le régime d’Assad tente depuis lors de reprendre – jusqu’à présent sans succès.

Si Al-Nosra s’est déplacé vers Quneitra, c’est parce qu’il a été repoussé de la Syrie orientale (notamment de la région de Deir ez-Zor) par son rival djihadiste, l’État islamique, qui a proclamé un califat islamique transnational.

Aujourd’hui les membres de l’État islamique se situent à environ 50 kilomètres de la frontière israélienne et à certains endroits ils pourraient finir par se rapprocher bien plus encore.

Les planificateurs de l’armée israélienne ne font pas qu’observer la multitude de batailles qui font rage en Syrie, ils écoutent aussi attentivement les déclarations des membres d’Al-Nosra disant que leur but est de conquérir d’abord Damas et ensuite Jérusalem. Ce genre de discours est pris très au sérieux et incite Israël à se préparer lentement mais sûrement.

Selon l’opinion dominante au sein de la Défense israélienne, les djihadistes sunnites finiront par pointer leurs armes vers Israël, c’est juste une question de temps. En attendant, aussi bien le Front Al-Nosra que l’État islamique, dont l’objectif idéologique commun est de créer un califat radical, sont en train de prendre de l’ampleur.

Alors qu’elles razzient des bases militaires syriennes, s’emparent d’armes et en achètent d’autres sur le marché noir, ces deux organisations djihadistes acquièrent toutes sortes d’armes, des plus petites aux lance-missiles portatifs en passant par les véhicules blindés ou encore des mortiers. Il est possible que dans un futur proche, les deux groupes soient aussi en mesure de produire leurs propres armes, telles que des roquettes.

Parmi les initiatives prises par Israël pour faire face aux djihadistes de Syrie, on note pour le Plateau du Golan, la mobilisation d’une nouvelle division à laquelle on donnera la possibilité d’effectuer en seulement quelques minutes le déploiement d’une puissance aérienne et de frappes d’artillerie.

Dépendant en grande partie de la surveillance accrue du secteur syrien par les renseignements israéliens, la nouvelle division s’exerce actuellement à un potentiel déploiement terrestre rapide en Syrie afin de répondre, si nécessaire, à des attaques terroristes de tout type, qu’il s’agisse de projectiles, d’intrusions hostiles ou encore de bombardements aux frontières.

Parmi les autres initiatives, on relèvera l’achèvement, l’année dernière, de la barrière de haute technologie le long de la frontière, dotée de toute une série de capteurs destinés à fournir aux contrôleurs de l’armée des informations sur n’importe quel mouvement suspect.

Ce système multi-sensoriel, appelé « Mars en Israël », est utilisé par le Corps de Collecte de Renseignements de l’armée israélienne. Il envoie toute une série de signaux à partir de caméras, de radars et d’autres appareils répartis le long de la frontière.

En outre, l’armée israélienne voit dans les systèmes de défense aérienne, comme le Dôme de fer ou la Fronde de David, un moyen capital de protection du nord d’Israël contre des menaces syriennes potentielles.

Tsahal est également en mesure d’ordonner à ses corps d’artillerie de lancer des missiles sol-sol de précision Tamouz, pour des frappes précises contre des cibles situées en Syrie.

Outre la puissance militaire, Israël cherche également à adopter une attitude plus conciliante envers les Syriens vivant près de la frontière. Dans cette optique, environ 1300 Syriens blessés durant la guerre civile ont été soignés dans des hôpitaux israéliens.

De telles mesures pourraient quelque peu réduire la menace mais une confrontation avec les radicaux djihadistes demeure à l’avenir une quasi-certitude.

Un danger supplémentaire réside dans le fait que la Syrie deviendra probablement un centre de production du djihad d’où sortiront des terroristes qui essaimeront partout dans la région.

Cette évolution pourrait conduire au développement de réseaux djihadistes régionaux s’étendant de la Péninsule du Sinaï (foyer de groupes liés à Al-Qaïda comme Bayt al-Maqdis) à l’Irak et à la Syrie où l’État islamique continue à consolider son emprise.

Aujourd’hui, ces forces s’emploient à combattre leurs ennemis plus près de chez nous mais demain, leur idéologie les amènera très probablement à affronter le seul État juif du Moyen-Orient.

Yaakov Lappin est correspondant au Jerusalem Post pour les affaires militaires et de sécurité nationale. Il est l’auteur de The Virtual Caliphate (Potomac Books), un ouvrage qui explique l’établissement d’un État islamiste virtuel par les djihadistes agissant sur internet.

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