lundi 20 octobre 2014

L’EIIL justifie la réduction en esclavage des Yazidis


par Daniel Pipes
National Review Online
16 octobre 2014

Version originale anglaise : ISIS Justifies Its Yazidi Slaves
Traduction française : Johan Bourlard

Il est un fait avéré que l’État islamique (EIIL) a réduit en esclavage les femmes et les enfants yazidis qu’il a capturés. À titre d’exemple, un rapport des Nations unies indique que « 300 femmes yazidies ont été réduites en esclavage. » À présent, l’EIIL présente, dans son journal multilingue superficiel, la justification théologique d’une telle pratique.

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Des Yazidis non loin de Sinjar fuient face à l’avancée de l’armée de l’EIIL en août 2014.
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Un article de quatre pages intitulé « The Revival of Slavery Before the Hour » [La renaissance de l’esclavage avant l’Heure] et publié récemment dans l’édition anglaise du magazine de l’EI, Dabiq, traite principalement du thème évoqué dans le titre, à savoir le retour de l’esclavage à l’approche du Jour du Jugement. Le reste de l’article justifie la réduction en esclavage des Yazidis. Ces adeptes d’une religion ancienne sont moins d’un million et vivent principalement dans la région de Sinjar, en Irak ; ils pratiquent un culte pré-islamique marqué par des influences soufies. L’auteur anonyme invoque le fait qu’ils ne sont pas monothéistes et suivent une foi « qui s’écarte de la vérité » pour justifier le fait qu’ils ne méritent pas un statut de protégés (dhimmi).

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Malek Taous, l’ange paon et le premier des archanges des Yazidis.
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Il explique alors les implications de son verdict, affirmant d’abord (les traductions entre crochets sont de moi) que

l’État islamique traite ce groupe de personnes comme la plupart des fuqahā’ [jurisconsultes] ont indiqué qu’il fallait traiter les mushrikīn [polythéistes].

En d’autres termes, l’EIIL suit précisément le consensus de la tradition islamique prémoderne.

Contrairement aux juifs et aux chrétiens, il n’y avait pas de possibilité de payer la djizya.

La djizya, taxe payée par les non-musulmans à leurs suzerains musulmans en échange de leur « protection », est un privilège réservé aux monothéistes ; n’étant pas monothéistes, les Yazidis ne bénéficient pas de ce privilège.

Leurs femmes peuvent également être réduites en esclavage, contrairement aux apostates qui, selon la plupart des fuqahā’, ne peuvent qu’être sommées de se repentir ou d’affronter l’épée.

Selon les spécialistes de la loi islamique, les Yazidis n’étant pas des apostats, peuvent être réduits en esclavage.

Après leur capture, les femmes et les enfants yazidis ont été répartis, selon la charia, entre les combattants de l’État islamique ayant participé aux opérations de Sinjar. Ensuite, un cinquième des esclaves a été transféré à l’autorité de l’État islamique au titre de khums [le cinquième du butin revenant à l’État].

L’État islamique a donc appliqué la doctrine islamique classique concernant le butin de guerre.

Cette réduction à l’esclavage à grande échelle de familles de mushrikīn [polythéistes] est probablement une première depuis que la charia a été abandonnée. Le seul autre cas connu – quoique plus modeste – est la réduction en esclavage de femmes et d’enfants chrétiens aux Philippines et au Nigéria par les mujāhidīn de ces pays.

Le passage ci-dessus renvoie au groupe Abou Sayyaf aux Philippines et à Boko Haram au Nigéria.

Les familles yazidies réduites en esclavage sont à présent vendues par les soldats de l’État islamique de la même manière que les mushrikīn ont été, dans le passé, vendus par les Compagnons [du Prophète] (radiyallāhu ‘anhum) [Que Dieu les agrée]. Plusieurs règles bien connues sont respectées notamment l’interdiction de séparer la mère de ses jeunes enfants.

L’EIIL souligne à nouveau que c’est le livre qui le dit. Notez le verbe « vendu ».

Nombre de femmes et d’enfants mushrikīn ont accepté volontairement l’islam qu’ils s’emploient à présent à pratiquer avec une sincérité évidente après être sortis des ténèbres du shirk [polythéisme].

L’auteur conclut en citant trois hadiths (récits des paroles et des actes de Mahomet) qui confirment l’utilité de l’esclavage pour obtenir des conversions à l’islam et gagner une place au paradis. Ainsi l’esclavage est profitable à la fois à la communauté musulmane (qui s’agrandit) et aux individus devenus esclaves (qui peuvent accéder au paradis). Tout le monde y gagne dans cette affaire !

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Le temple yazidi à Lalesh, en Irak.
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Il y a plusieurs choses à relever dans ces déclarations :

L’anglais de l’article, fortement imprégné de langue arabe, est typique du discours de l’EIIL, à la fois parlé et écrit. L’anglais fournit la structure alors que les mots-clés sont formulés dans un arabe classique teinté de formes dialectales (ex. : mushrikīn). La translittération de l’arabe se donne des allures savantes en retranscrivant les ‘aïn (‘) et les macrons (ā, ī).

Comme dans tous les autres aspects de la vie, l’EIIL applique avec une brutalité éhontée la loi islamique prémoderne sans faire aucune concession aux mœurs modernes. Il cherche à établir un califat universel comme au VIIe siècle. Les décapitations et l’esclavage figurant parmi les injonctions coraniques les plus choquantes pour les mentalités modernes, l’organisation trouve précisément très jubilatoire de les appliquer et de les imposer à ceux qu’elle considère comme infidèles.

Les pulsions sauvagement réactionnaires de l’EIIL séduisent un nombre infime d’observateurs alors que son zèle messianique l’a porté très loin, très rapidement – des frontières de la Turquie aux abords de Bagdad. Mais ses actions scandalisent la grande majorité, musulmans ou non, ce qui le conduira inévitablement à sa perte et causera des dommages irréparables à l’islam.

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