Par Esam Sohail
Special to IPT News
3 novembre 2014
Version
originale anglaise : Guest Column : Going Dutch – The
Psychometric Tool Against Jihadism in the West
Traduction française : Johan Bourlard
Le
libéralisme légendaire des Néerlandais n’a d’égal que leur bon sens à toute
épreuve. Deux ans après l’assassinat, en 2004, du cinéaste Theo Van Gogh par
des islamistes djihadistes à Amsterdam, le gouvernement néerlandais a mis
discrètement en place une sorte de test de la personnalité pour les immigrants
issus d’un certain milieu socioculturel et désireux de s’établir à demeure aux
Pays-Bas. En montrant aux candidats à l’immigration issus de cultures très
différentes, une série de clips vidéo vantant la diversité culturelle, la
laïcité, la liberté d’expression et l’égalité des sexes et en permettant aux
personnes responsables d’évaluer les réactions de l’assistance, le gouvernement
néerlandais a pris une décision pragmatique afin de garantir à chacun un adaptation
optimale à son nouveau chez soi. Le gouvernement néerlandais reste attentif à
l’évolution de ce nouvel outil de sélection mis en place comme projet pilote en
2006 et probablement appelé, dans un futur proche, à se développer à une plus
grande échelle.
L’immigration,
surtout celle de personnes hautement qualifiées en début de carrière, demeure
vitale pour l’activité économique et les systèmes de sécurité sociale de la
plupart des pays développés. Toutefois, il vaut mieux que cette nécessité aille
de pair avec la sagesse. Avec des dizaines de milliers de personnes qui chaque
année migrent du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du Sud-Est vers les pays
anglophones, les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Australie ne
peuvent pas se permettre le luxe d’attendre la mise en place sur une grande
échelle d’un test pour immigrants qui existe actuellement à l’échelle plus
réduite des Pays-Bas. Alors que les mesures de sécurité ont été renforcées dans
tous les pays où les immigrants cherchent à s’établir, les démocraties
anglophones présentent toutes un défaut commun et systématique : tous les
candidats à l’immigration sont soumis aux mêmes batteries de procédures de
sélection qui souvent évaluent selon les mêmes critères un chrétien fuyant les
persécutions au Bangladesh ou au Pakistan et un ingénieur islamiste qui
souhaite planter au Canada le drapeau de l’Islam pour lui et ses enfants. Et ce
ne sont pas les questions standards du type « Avez-vous déjà fait partie
d’un groupe terroriste ? », ni les contrôles de routine des organes
d’application de la loi qui vont améliorer le diagnostic à cet égard. Les
Néerlandais ont fini par s’en rendre compte et ont, au lieu de cela, décidé de
tester l’usage de la psychométrie dans la détection de problèmes potentiels
avant que ceux-ci ne deviennent réels.
Soyons
francs et honnêtes quand il s’agit d’immigration en provenance de pays où les
musulmans sont en très grande majorité. Pratiquement tous ces pays ont une
culture où l’islamisme salafiste est en progrès, où la liberté d’expression et
l’égalité entre hommes et femmes sont de plus en plus dénoncés comme les
éléments d’un hypothétique complot occidental et où l’antisémitisme sous-tend
les théories du complot les plus populaires. Certes tous les immigrants en
provenance du Pakistan, du Bangladesh, de Somalie, de Malaisie ou du monde
arabe n’adhèrent pas à de telles tendances islamistes. Mais c’est le cas de bon
nombre d’entre eux, parmi lesquels pas mal de personnes diplômées et insérées
dans le monde professionnel. Or ce sont ces personnes-là qui peuvent rapidement
devenir les coordinateurs, les organisateurs, les sympathisants, les bailleurs
de fonds et même les pourvoyeurs du djihadisme dans le monde civilisé (A-t-on
oublié Sami Al-Arian, l’un des cadres du Djihad islamique palestinien, et
Faisal Shahzad qui projetait de se faire exploser sur Time Square ?). À l’heure
où l’on voit d’obscurs sympathisants de l’État islamique à Chicago, des
djihadistes meurtriers dans les rues de Londres et des convertis à l’islam se
déchaîner à Ottawa, il est bon de mettre en quarantaine le virus djihadiste –
dormant, passif ou actif – dès qu’il germe. Alors que les Néerlandais ont
montré la marche à suivre, le reste du monde civilisé devrait improviser.
La
psychométrie n’est pas une science exacte et aucun examen psychologique ni
aucun test de la personnalité n’est fiable à 100 pourcent. En plus de toute
cette incertitude, ces mesures prennent du temps et coûtent de l’argent, autant
de contraintes bien réelles pour les agents qui délivrent les visas et les
contrôleurs des douanes. Pourtant ces outils sont de plus en plus sophistiqués
et un nombre croissant d’organismes privés et publics y ont recours dans leurs
procédures de recrutement. En disposant de professionnels de l’immigration
aguerris et capables de discerner et d’effectuer des ciblages assez précis, ce
genre d’instruments psychométriques peut s’avérer être une arme vitale contre
le terrorisme djihadiste potentiel.
Les
candidats à l’immigration à long terme venant de certaines régions devraient
être informés – quitte à les choquer – sur l’importance fondamentale de la
liberté d’expression, de la liberté religieuse (critique ou apostasie), de
l’égalité des droits indépendamment du sexe ou de la religion ainsi que des
principales libertés individuelles. Ils devraient être évalués sur leurs
réactions au moyen de tests d’évaluation performants et de qualité professionnelle
qui permettraient d’éclairer les responsables de l’immigration dans leurs
décisions d’accorder ou non des autorisations de séjour. Il est vrai que ce
genre de méthodes pourrait conduire à pénaliser certaines croyances. Mais si ces
dernières cautionnent moralement le meurtre des apostats et la punition des
femmes portant des minijupes, devrions-nous en pleurer ? Et même si l’examen
de ceux qui désirent vivre dans une société pluraliste conduisait à verser
quelques larmes, ne serait-ce pas préférable à cette autre situation où l’on
verrait couler non plus les larmes mais le sang ?
Esam Sohail est chercheur dans le
domaine pédagogique et maître de conférences en sciences sociales. Il écrit
depuis le Kansas, aux États-Unis.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire