par Daniel Pipes
National Review Online
28 novembre 2014
Version
originale anglaise : Is CAIR a Terror Group ?
Traduction française : Johan Bourlard
Nous
qui suivons l’évolution du phénomène islamiste, sommes tombés de notre chaise
quand, le 15 novembre dernier, nous avons appris que les autorités
gouvernementales des Émirats Arabes Unis avaient classé le Council on
American-Islamic Relations (CAIR) sur une liste de 83 organisations terroristes
proscrites, sur laquelle figurent également les Talibans, Al-Qaïda et l’EIIL.
Cette
nouvelle a été une véritable surprise pour plusieurs raisons : par le
passé, les autorités des Émirats ont elles-mêmes soutenu l’islamisme, le CAIR y
a levé des fonds et l’ambassade émiratie à Washington a fait l’éloge de ce
dernier.
Toutefois,
à la réflexion, le fichage s’explique par le fait que, ces dernières années, le
phénomène islamiste s’est terriblement fragmenté en plusieurs factions qui
s’opposent entre elles et se livrent bataille : sunnites contre chiites,
partisans de la violence contre partisans de l’action au sein du système,
modernisateurs contre adeptes du retour au VIIe siècle, monarchistes contre
républicains.
Dans
cet article, c’est le dernier clivage qui retient notre attention. Après des
décennies de collaboration étroite avec les Frères Musulmans et ses
institutions connexes, les monarchies du golfe Persique (à l’exception
frappante du Qatar) en sont venues à considérer l’ensemble complexe des institutions
des Frères Musulmans comme une menace pour leur existence. Les dirigeants
saoudiens, émiratis, koweitiens et bahreïnis voient à présent en des hommes
politiques comme l’Égyptien Mohamed Morsi, des ennemis au même titre que le
Hamas et ses ramifications, notamment le CAIR.
Alors
que les monarques du Golfe ne sont pas devenus moins islamistes, ils perçoivent
désormais clairement tout le mal que les groupes liés aux Frères Musulmans
peuvent causer.
Une
fois expliquée la raison pour laquelle les Émirats ont mentionné le CAIR dans
leur manifeste contre le terrorisme, il faut se poser une deuxième
question : ce fichage est-il justifié ? Une organisation basée à
Washington et ayant des relations avec la Maison Blanche d’Obama, le Congrès
américain, les grands médias et de prestigieuses universités, une telle
organisation peut-elle vraiment fomenter le terrorisme ?
Le
CAIR peut à juste titre être qualifié comme tel. Certes, il ne prépare pas de
bombes mais, comme l’explique le ministre émirati des Affaires étrangères, « Nous avons placé le seuil
de tolérance très bas… Nous ne pouvons accepter l’incitation ou le
financement. » En effet, le CAIR incite, finance et fait plus encore pour le
terrorisme :
Il excuse les groupes terroristes. Appelé à plusieurs reprises à
dénoncer le Hamas et le Hezbollah en tant que groupes terroristes, le CAIR
dénonce les actes de violence mais pas leurs soutiens.
Il est lié au Hamas. Classé comme organisation
terroriste par les États-Unis et de nombreux autres gouvernements, le Hamas a
indirectement créé le CAIR avec lequel il garde des liens étroits.
Exemples : en 1994, le chef du CAIR, Nihad Awad, a déclaré publiquement son
soutien au Hamas ; la Holy Land Foundation, organisation écran du Hamas, a
fait don de 5000 dollars au CAIR ; en retour, le
CAIR a mis les attentats du 11 Septembre à profit pour lever des fonds destinés
à la Holy Land Foundation ; en août dernier, les participants
à un rassemblement sponsorisé par le CAIR en Floride scandaient
« Nous sommes le Hamas ! »
Il a succombé dans un procès. En 2004, le CAIR a intenté un procès en diffamation pour cinq déclarations tenues
par un groupe appelé Anti-CAIR. Mais deux ans plus tard, le CAIR a succombé
lors d’un procès « avec préjudice » (c’est-à-dire que ce procès ne
peut être rouvert), reconnaissant ainsi implicitement la justesse des
assertions du groupe Anti-CAIR, notamment :
· « Le CAIR est la couverture
d’une organisation soutenant le terrorisme financée en partie par des
terroristes » ;
·
« Le
CAIR… est soutenu par des individus, des groupes et des pays qui approuvent le terrorisme » ;
·
« Le
CAIR a prouvé qu’il avait des liens avec les terroristes islamistes et était
financé par ces derniers » ;
· « Le CAIR soutient
activement les terroristes ainsi que des groupes et des pays qui soutiennent
eux aussi les terroristes ».
Il compte des individus accusés
de terrorisme. Au
moins sept membres de la direction ou du
personnel
du CAIR ont été soit arrêtés car interdits d’entrer sur le territoire américain
soit ont été inquiétés pour terrorisme (inculpation, plaider coupable ou
condamnation) : Siraj Wahhaj, Bassem Khafagi, Randall
(« Ismail ») Royer, Ghassan Elashi, Rabih Haddad, Muthanna Al-Hanooti
et Nabil Sadoun.
Il a des ennuis judiciaires. En 2007, des procureurs
fédéraux ont qualifié le CAIR (ainsi que deux autres organisations islamiques) de
« complices et/ou d’associés non-condamnés » dans un complot criminel
visant à soutenir financièrement le Hamas. En 2008, le FBI a rompu tout contact avec le CAIR, inquiet de voir
que ce dernier continuait à avoir des liens avec le terrorisme.
En
apprenant son fichage par les Émirats Arabes Unis, le CAIR a qualifié cet acte de « choquant et
curieux » puis s’est efforcé d’obtenir une protestation du Département
d’État américain et l’annulation de la décision. Sans se faire prier, le porte-parole du Département,
Jeff Rathke, a fait remarquer que le
gouvernement américain, qui « ne considère pas ces organismes comme des
organisations terroristes », a demandé des précisions concernant la
décision des Émirats. Le ministre émirati des Affaires étrangères a répondu que
si des organisations peuvent montrer que leur « méthode a changé », elles
auront la possibilité de demander que « leur nom soit retiré de la
liste ».
Des
pressions de la part de l’administration Obama pourraient faire reculer les
Émirats. Si c’était le cas, cela n’enlèverait rien au dommage à long terme
causé par ce fichage. Pour la première fois, un gouvernement islamiste a révélé
la nature pernicieuse et terroriste du CAIR, une flétrissure dont le CAIR ne
pourra jamais se débarrasser.
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