Par Daniel Pipes
The Washington Times
31 décembre 2014
Version
originale anglaise : How to Travel like a CIA Spy
Traduction française : Johan
Bourlard
Je
condamne sans réserve la diffusion à grande échelle de secrets du gouvernement
américain faite par Edward Snowden. Pourtant, une fois que la révélation a été
faite, il n’y a aucune raison d’ignorer une information devenue publique.
Citons,
à titre d’exemple, ce document de 14 pages émanant de la Central Intelligence
Agency (CIA) et portant un titre alambiqué digne de la bureaucratie : Surviving
Secondary : An Identity Threat Assessment of Secondary Screening Procedure
at International Airports. Ce qui signifie en langage courant « Comment les
agents secrets peuvent-ils éviter les problèmes lors des contrôles des
passeports et des douanes. »
Même
si cette étude se cantonne à la crainte de la CIA de voir ses agents secrets
arrêtés lors des contrôles de passeports et leur fausse identité démasquée, les
informations qu’elle contient peuvent intéresser toute personne qui voyage dans
différents pays. Il s’agit d’un guide utile indiquant ce qu’il ne faut
justement pas faire lorsqu’on atterrit dans un aéroport étranger. Personnellement,
j’ai l’intention de suivre ces conseils lors de mes voyages et, comme il s’agit
d’un bien public, je tiens à faire part de certaines de ses idées principales aux
autres honnêtes voyageurs qui pourront ainsi mieux éviter ce qu’on appelle le « deuxième
contrôle » - effectué au hasard après le premier contrôle (général et
systématique) pour un interrogatoire approfondi.
Les
voyageurs devant subir un deuxième contrôle peuvent entrer, et ce pendant
plusieurs jours, dans un monde kafkaïen où les règles en usage pour un procès
équitable sont suspendues. Les agents peuvent se mêler de tout ce qu’ils
veulent, que ce soit copier ou confisquer du matériel électronique personnel, ou
procéder à un examen intrusif de votre vie ou à une fouille tout aussi
intrusive de votre corps. Le fait de pouvoir éviter de telles expériences
devrait figurer en bonne place sur la liste des priorités de tout voyageur.
Conseil
de la CIA : avant tout, soyez dans l’idée que vous êtes sous surveillance.
Les contrôles des passeports et des douanes sont peut-être pour vous des épreuves
mineures à endurer avant de vous consacrer à vos affaires. Cependant, depuis le
moment où vous quittez l’avion jusqu’au moment où vous êtes sorti de
l’aéroport, des agences aux pouvoirs étendus peuvent vous surveiller très
étroitement – et pas seulement quand vous vous retrouvez face à un agent de
l’immigration. À l’île Maurice, par exemple, l’agence locale utilise des
caméras de surveillance « pour observer les passagers au moment où ils
sortent de l’avion et récupèrent leurs bagages, en zoomant sur le visage de
chacun pour étudier leur expression. »
Depuis
le moment où vous quittez votre place dans l’avion jusqu’à ce que vous sortiez du
terminal, la CIA vous recommande de vous comporter de façon naturelle et
cohérente.
Par
naturel, il faut entendre une attitude qui ne dénote pas une nervosité
inhabituelle comme « des mains agitées ou tremblantes, une respiration
rapide sans raison apparente, des sueurs froides, des artères carotides qui
enflent, les joues rouges ou encore le regard fuyant. » Plus subtilement
il s’agit aussi de ne pas « changer de ligne ou étudier les procédures de
sécurité » ni d’établir « des contacts secrets avec d’autres
passagers » avec qui on n’est pas supposé avoir de liens.
Par
cohérent, il faut comprendre être en accord avec ce que vous dites. Soyez au
courant des détails de votre passeport, notamment les endroits où vous êtes
allés. Parlez la langue du pays où votre passeport a été émis. Les détails qui pourraient
sembler insignifiants peuvent être importants. Ainsi, « des bagages
bouclés négligemment alors que le passager est réputé expert en matière de
voyage d’affaires » peuvent soulever des interrogations tout comme la
situation inverse telle qu’utiliser un ticket en classe affaires pour un voyage
touristique.
D’autres
signaux d’alarmes sont moins évidents : « une quantité de bagages
inadaptée à la durée du séjour » ; « des bagages contenant
plusieurs nouveaux articles comme des réveils ou des agendas » ; « des
cartes, des guides ou d’autres publications encore inutilisées ou non étiquetées » ;
« des bagages contenant des plans de villes sans relation avec le touriste
qu’est censé être le voyageur » ou encore « du matériel photo ou
vidéo d’une qualité inadaptée au profil du voyageur ou des cartes mémoires
insuffisantes pour la durée d’un voyage touristique. »
Même
si vous faites tout correctement, vous pourrez toujours être sujet à un
deuxième contrôle. Il y a d’une part un élément aléatoire : « de
nombreux aéroports étrangers ont pour exigence administrative un nombre minimum
de sélections aléatoires ». Et plus particulièrement « environ 12
pourcents des passagers ayant des liens avec les États-Unis sont choisis au
hasard pour un contrôle complémentaire dans les aéroports étrangers », ce
qui signifie qu’on peut s’attendre à un contrôle secondaire tous les huit
voyages.
Ensuite,
vous pouvez entrer dans des catégories pour le moins obscures. « Les
connaissances linguistiques, l’âge, l’apparence ou les origines » d’un
passager sont autant d’éléments qui peuvent donner lieu à des questions
supplémentaires. Au Salvador, « une coupe de cheveux de style militaire,
un physique athlétique, des vêtements décontractés et des bagages légers »
suffisent à attirer l’attention d’un envoyé du gouvernement vénézuélien. À
Tel-Aviv, « les hommes en âge de servir dans l’armée, voyageant seuls et
munis de sacs à dos [sont envoyés] au deuxième contrôle indépendamment de leur
nationalité ou de leur couleur de peau. » En Égypte, « les Arabes
chrétiens ou les Juifs, les travailleurs humanitaires et les personnes détenant
un diplôme universitaire scientifique » reçoivent une attention spéciale
et même plus encore s’il s’agit « d’Arabes américains et particulièrement
d’Égyptiens américains. »
Le
fait de passer sous les fourches Caudines entre l’avion et la rue est l’une des
expériences les moins agréables que l’on puisse vivre lors d’un voyage à l’étranger.
Toutefois une prudence élémentaire peut réduire les risques d’être l’objet d’une
attention indésirable ou de la bienveillance de services de sécurité agressifs.
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