Par Abigail R. Esman
Special to IPT News
29 décembre 2014
Version originale anglaise : Guest
Column: Europe’s Year of the Jihadist
Traduction française: Johan
Bourlard
Parmi les tendances de l’année 2014 – le film Gone Girl, l’actrice et réalisatrice
Lena Dunham et la salade
de pommes de terre à 55.000 dollars – il y en a une que les auteurs de
classements semblent avoir oublié : 2014 fut également une année faste
pour le djihad islamique. Cela s’est vérifié non seulement sur le front syrien
et dans les villes et villages du Pakistan mais aussi, de façon plus subtile, à
travers l’Occident – particulièrement en Europe. Ce fut, par exemple, l’année
du massacre
de quatre juifs par Mehdi Nemmouche au Musée juif de Bruxelles.
Ce fut l’année où la Belgique fut
désignée « centre de recrutement terroriste » par le Wall Street Journal. En Allemagne, en
France, en Angleterre et aux Pays-Bas, des manifestations
en faveur de l’État islamique (EI) révélèrent au grand jour le soutien
grandissant au terrorisme et au djihad islamique parmi la population musulmane
européenne en constante augmentation – sous le regard bienveillant de
politiciens parfois même solidaires.
Tout au long de 2014, les Européens ont été
confrontés à des manifestations à la fois pro-État islamique et antijuives à
Paris, Hambourg, Amsterdam, Londres et La Haye ainsi qu’à l’établissement
de « zones de charia » à Londres, Wupperthal et ailleurs.
Il est vrai que ces zones ne correspondent pas toujours à des endroits où la
charia s’applique en lieu et place de la loi du pays mais cette expression
permet à ceux qui s’en servent de donner un nom à ces quartiers à majorité
musulmane dont les habitants tendent à se radicaliser et soutiennent
régulièrement des mouvements djihadistes à la fois dans le pays et à
l’étranger.
Autant d’éléments qui indiquent le succès
croissant d’islamistes qui s’appliquent à changer l’Europe de l’intérieur –
parfois par la violence, mais le plus souvent par des stratégies qu’on pourrait
appeler « djihad par ruse » – en exerçant des pressions sociales et
politiques pour transformer la culture du pays.
Prenons, par exemple, la réponse de Josias van
Aartsen, le maire de La Haye, aux musulmans radicaux qui ont réclamé la mort
des Néerlandais non-musulmans et juifs lors de rassemblements organisés en août
en faveur de l’EI : alors en vacances, Van Aartsen a refusé de rentrer au
pays, au point d’ignorer les jets de pierres sur des non-musulmans et des
policiers. Il a fallu attendre l’annonce d’une contre-manifestation anti-EI au
même endroit pour que Van Aartsen entre en action et… l’interdise.
« Trop provocant », selon lui.
Il y a aussi en France des rapports des
services du renseignement qui ont récemment fait l’objet d’une fuite et qui indiquent,
comme le
révèle le Gatestone Institute, que « les étudiants musulmans sont en
train de réussir à établir une société islamique parallèle entièrement coupée
des étudiants non-musulmans », alors que « plus de 1000 supermarchés
en France, notamment parmi les grandes chaînes de distribution comme Carrefour,
ont vendu de la littérature islamique appelant ouvertement au djihad et au
meurtre des non-musulmans. »
En Angleterre, une « Opération Cheval de
Troie » a élaboré des projets d’islamisation d’écoles situées dans des
quartiers musulmans. Selon le Guardian,
une enquête réalisée à ce sujet l’été dernier par le gouvernement a montré
l’existence d’un « ‘programme soutenu et coordonné en vue d’imposer
des comportements et des pratiques ségrégationnistes d’une tendance dure et
politisée de l’islam sunnite’ sur les enfants d’un certain nombre d’écoles à
Birmingham. » Parmi les responsables de cette « opération », on
compte l’Association of Muslim Schools - UK [écoles musulmanes pour le
Royaume-Uni] ainsi que le Muslim Council of Britain [Conseil musulman de Grande-Bretagne],
celui-là même qui, en 2011, déclarait
que les femmes qui ne se voilent pas le visage « pourraient être coupables
de rejet de l’islam. »
Ironie de l’histoire, il semble que ce soit la
culture anglaise elle-même qui a permis, à l’origine, l’essor de l’enseignement
islamiste dans ses écoles. La Secrétaire d’État britannique à l’Éducation,
Nicky Morgan, a
même avoué au New York Times
qu’une grande partie du succès de l’opération pourrait être dû à « la
crainte d’être accusé de racisme ou d’opposition à l’islam. » Ce n’est pas
sans raison que l’ancien conseiller d’Obama, Lawrence Krauss, affirme
que les Britanniques sont « trop polis » et « effrayés à
l’idée d’offenser les ‘musulmans bruyants et agressifs’. »
Il est louable que le gouvernement ait
découvert « l’Opération Cheval de Troie » et se soit immédiatement
attelé à son démantèlement. Toutefois, celle-ci a eu le temps de causer aux
enfants musulmans des dommages qu’il est difficile d’évaluer. Selon certaines
estimations, pas moins de 2000
Britanniques ont rejoint le djihad (dirigé par des sunnites) en Syrie et en
Irak. Parmi eux, se trouvait l’auteur, connu sous le nom de « John le
djihadiste », des décapitations des journalistes américains James Foley et
Steven Sotloff. En outre, les experts avertissent que le nombre de très
jeunes djihadistes – des enfants de moins de 10 ans qui ont été radicalisés
– est en hausse.
Ce genre d’avertissement n’a pourtant pas eu d’effets
positifs. Jusqu’à très récemment, le Royaume-Uni a dépensé des sommes
vertigineuses dans des programmes destinés à dissuader les jeunes musulmans de
rejoindre des organisations militantes, des programmes qui pour la plupart ont
échoué. James Brandon, ancien directeur de recherches de l’un de ces programmes
déclarait
à l’agence Reuters : « En mettant sur pied le programme national le
plus important de tous les pays occidentaux visant à encourager une version
modérée de l’islam et à prévenir la radicalisation, le Royaume-Uni s’est en
réalité consacré à essayer de stopper la multiplication des djihadistes. »
En dépit d’une telle situation, les
législateurs européens ont eu beaucoup de mal à savoir comment gérer le
problème des musulmans radicaux, particulièrement ceux qui reviennent du front
syrien ou irakien. L’Angleterre est loin d’être le seul pays dont les
responsables politiques craignent de « heurter » les sensibilités des
communautés musulmanes. Bien qu’on estime à 450 le nombre d’Allemands partis faire
le djihad en Syrie, l’experte du parti écologiste allemand, Irene Mihalic, a
déclaré en septembre au magazine Der
Spiegel qu’un durcissement de la législation antiterroriste n’était pas
nécessaire en raison du fait « qu’il y a déjà ‘suffisamment d’outils à
disposition pour imposer des interdictions et des restrictions’ aux terroristes
et à leurs soutiens. » Les partis de la majorité ne sont apparemment pas
d’accord. Au cours de ce mois, l’Allemagne est devenue le premier pays à interdire
complètement l’EI ainsi que toute forme de soutien au groupe terroriste, allant
des calicots aux graffitis en passant par les manifestations publiques ou
encore l’appui des mosquées locales.
Par contre, cela n’a pas été le cas au Danemark
où la volonté de ne pas « offenser » ou « provoquer » la
communauté musulmane du pays s’est traduite par la mise en place d’un programme
visant
à réinsérer les djihadistes revenus du front plutôt qu’à les emprisonner.
Dans le pays qui détient fièrement le deuxième plus grand nombre (par habitant)
de musulmans partis rejoindre les groupes djihadistes, ceux qui reviennent du
front reçoivent des aides généreuses de la part du gouvernement qui leur trouve
un emploi et un logement ou des cours de rattrapage leur permettant de
continuer leur formation. En outre, selon un reportage
de CNN, les programmes de réinsertion « ne cherchent pas à modifier
les croyances fondamentalistes des combattants revenus du front – tant qu’ils
ne prônent pas la violence. »
Naturellement la méthode qui consiste à
dorloter les djihadistes ne fonctionne pas très bien : récemment, les
services de renseignement danois ont
averti que les combattants revenus de l’EI ou des camps d’Al-Nosra
constituent une menace « importante » pour le pays. Un djihadiste que
CNN a suivi, a déclaré avoir l’intention de retourner en Syrie pour rejoindre
le califat une fois qu’il aurait terminé la formation que lui paye le
gouvernement danois.
D’autres gouvernements européens ont rechigné à
poursuivre ceux qui recrutaient pour l’EI et d’autres groupes terroristes qui
incitent les gens à commettre des meurtres. En décembre, des tribunaux
néerlandais ont
déclaré une femme de 20 ans « non coupable » d’avoir recruté
d’autres femmes pour participer au djihad en Syrie. Motif de cette déclaration
de non-culpabilité : dans l’État islamique, les femmes ne sont pas
autorisées à combattre et ne peuvent par conséquent être considérées comme des
terroristes. Dans une autre affaire, « Imad al-O » (23 ans) a été déclarée
coupable d’avoir aidé une jeune fille de 16 ans à voyager de la Syrie vers
l’Égypte. Verdict : trois mois de prison et 240 heures de travaux
d’intérêt général.
Et pendant ce temps, des « loups
solitaires » radicaux poursuivent leurs attentats dans différentes villes
européennes comme l’attentat
du 21 décembre à Dijon commis par un homme qui a percuté une foule de
passants avec sa voiture en proclamant qu’il agissait « pour les enfants
de la Palestine ».
Cet attentat « pour les enfants de la Palestine »
est survenu au moment où des responsables politiques français décidaient de
suivre la Suède dans la reconnaissance de l’État palestinien – une sorte de
version internationale, pourrait-on dire, de la décision anglaise d’arrêter
d’empêcher les jeunes musulmans de se radicaliser pour devenir des guerriers de
l’islam. Comme la salade de patates de Kickstarter, il s’agit là d’une simple
tendance qu’on pourra laisser derrière soi une fois passé le cap de la nouvelle
année.
Abigail
R. Esman, est rédactrice indépendante et vit à New York et aux Pays-Bas. Elle
est l’auteur de l’ouvrage Radical
State : How Jihad is Winning Over Democracy in the West [L’État
radical ou comment le djihad est en train de vaincre la démocratie occidentale]
publié chez Praeger en 2010.
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