Par Daniel Pipes
The
Washington Times
19 janvier 2015
Version
originale anglaise : In Defense of Europe’s So-called Far
Right
Traduction française : Johan
Bourlard
La
semaine dernière, le gouvernement français a organisé une marche de solidarité
nationale qui a rassemblé un grand nombre de dirigeants étrangers ainsi que
tous les partis politiques du pays dans une « union sacrée » (expression qui rappelle
la Première guerre mondiale) contre les massacres perpétrés dans les locaux de Charlie Hebdo et dans un hypermarché
casher.
Tous
les partis politiques étaient présents, sauf un : le Front National (FN)
dirigé par Marine Le Pen. Exclu de la manifestation parce qu’il n’adhérerait
pas aux « valeurs républicaines », le parti a en fait été empêché d’y
participer parce qu’il s’oppose à l’immigration – c’est d’ailleurs le seul
parti politique français à le faire. En outre, la classe politique française
craint que les massacres de ces derniers jours apportent au FN un nombre
important de nouveaux soutiens. Dans le même esprit, le gouvernement a interdit
hier une manifestation organisée par l’association Riposte Laïque qui a appelé à mettre « les
islamistes dehors ».
Bien
qu’étant moi-même un libéral classique, situé au
centre du parti républicain américain, je salue le renforcement du Front
National et de nombreux autres partis considérés comme étant « d’extrême
droite ». Et je m’explique :
S’il
est vrai que certains partis européens sont effectivement de nature fasciste,
notamment l’Aube dorée en Grèce et Jobbik en Hongrie, les autres formations
décriées sont en réalité populistes, rebelles et affichent souvent un programme
économique de gauche, particulièrement sur la question de l’État providence. Ce
sont des centristes créatifs qui défendent un nouvel ensemble d’idées et
puisent dans les programmes et l’électorat de la gauche comme de la droite. Ils
représentent la réponse saine, normale, légitime et constructive d’un peuple
sous tension. De plus, ils disent ce que beaucoup de gens pensent.
Prenons
par exemple le cas des dernières atrocités en date. Comme d’habitude, Le Pen était la seule, parmi les dirigeants
français, à s’exprimer courageusement en nommant la cause de ces maux :
« Nous combattons une idéologie, le fondamentalisme islamiste ». À
l’opposé, le président François Hollande a menti effrontément : « Ceux
qui ont commis ces actes, ces fanatiques, n’ont rien à voir avec la religion
musulmane. » (Son Premier ministre Manuel Valls, a fait un peu mieux :
« Nous faisons une guerre… contre l’islam radical. »).
Outre
le FN en France, on retrouve des partis similaires comme le Parti pour
l’Indépendance du Royaume-Uni, l’UDC (Suisse), le Parti de la Liberté d’Autriche, Alternative pour l’Allemagne,
le Parti populaire danois, le Parti du Progrès (Norvège), les Démocrates
suédois, les Vrais Finlandais et – en tête de tous ces mouvements – le Parti de
la Liberté, fondé aux Pays-Bas par Geert Wilders que je considère comme l’homme politique le plus important en
Europe.
Deux
préoccupations figurent en tête de leurs programmes : l’Union européenne
et l’islamisme. L’UE suscite des réactions négatives pour diverses raisons –
les Britanniques veulent en sortir, les Allemands veulent débourser moins pour
les autres, les Grecs veulent moins d’austérité : tous se sentent
oppressés par cette organisation supranationale qui a connu des débuts modestes
en 1951 avec la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier. Seuls les
bureaucrates bien payés de l’UE et les nantis éloignés des réalités de la vie
quotidienne peuvent affirmer que tout va bien.
Concernant
l’islamisme, la réponse à travers toute l’Europe est la même. De l’Espagne à la
Norvège, on entend qu’il y a trop d’immigrés, trop de concessions, trop de
privilèges, trop de maux dans la société, trop d’islam arrogant et envahissant,
trop de charia (loi islamique) et trop de violence. Les Européens sont de plus
en plus nombreux à craindre l’islamisme, à déplorer la perte de leur culture traditionnelle
et à s’inquiéter pour l’avenir de leurs enfants.
Les
partis traditionnels, les médias et les universitaires se sont engagés dans une
campagne de dénigrement, de marginalisation et d’ostracisme menée contre tous
ces partis en vue de les mettre au ban de la société, comme s’ils étaient les
nouveaux nazis. Cette attitude est dangereuse et inutile. Dangereuse, car le
fait de ne pas les accepter et de ne pas les respecter peut pousser certains de
leurs membres à s’exprimer en recourant à l’extrémisme et à la violence.
Inutile, car le nombre de partisans que compte cette myriade de mouvements,
augmente de façon inexorable. À titre d’exemple, les Démocrates suédois ont vu leur nombre d’électeurs doubler à
chacune des quatre dernières élections. Des études placent Le Pen et Wilders en tête des sondages de leurs
pays respectifs. S’ils continuent à gagner de nouveaux adhérents, bon nombre de
ces partis auront bientôt une voix qui compte dans les pays européens.
Plutôt
que de se lancer dans des tentatives de stigmatisation et d’exclusion, les
pouvoirs établis devraient encourager les partis populistes à la modération, au
perfectionnement et à la participation pleine et entière à la vie politique.
Même si une partie de ces derniers a tendance à être indisciplinée et à tomber
dans la paranoïa ou d’autres choses inacceptables, ils apprennent au fur et à
mesure et deviennent, bon an mal an, plus acceptables. Il est vrai que beaucoup
d’entre eux ont un passé douteux – mais c’est également le cas de partis
établis de longue date dans des pays comme la France, l’Allemagne ou la Suède.
Qu’ils
soient les bienvenus ou pas, les partis rebelles sont là. Dès lors, l’avenir
sera meilleur pour tout le monde si ces partis jouent le rôle qu’on attend
d’eux tout en bénéficiant de la coopération des partis établis et non plus en
étant vilipendés. Ils méritent la politesse et le respect.
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