mercredi 21 janvier 2015

Pour la défense de ce qu’on appelle « l’extrême droite » européenne


Par Daniel Pipes
The Washington Times
19 janvier 2015

Version originale anglaise : In Defense of Europe’s So-called Far Right
Traduction française : Johan Bourlard

La semaine dernière, le gouvernement français a organisé une marche de solidarité nationale qui a rassemblé un grand nombre de dirigeants étrangers ainsi que tous les partis politiques du pays dans une « union sacrée » (expression qui rappelle la Première guerre mondiale) contre les massacres perpétrés dans les locaux de Charlie Hebdo et dans un hypermarché casher.

Tous les partis politiques étaient présents, sauf un : le Front National (FN) dirigé par Marine Le Pen. Exclu de la manifestation parce qu’il n’adhérerait pas aux « valeurs républicaines », le parti a en fait été empêché d’y participer parce qu’il s’oppose à l’immigration – c’est d’ailleurs le seul parti politique français à le faire. En outre, la classe politique française craint que les massacres de ces derniers jours apportent au FN un nombre important de nouveaux soutiens. Dans le même esprit, le gouvernement a interdit hier une manifestation organisée par l’association Riposte Laïque qui a appelé à mettre « les islamistes dehors ».



Bien qu’étant moi-même un libéral classique, situé au centre du parti républicain américain, je salue le renforcement du Front National et de nombreux autres partis considérés comme étant « d’extrême droite ». Et je m’explique :

S’il est vrai que certains partis européens sont effectivement de nature fasciste, notamment l’Aube dorée en Grèce et Jobbik en Hongrie, les autres formations décriées sont en réalité populistes, rebelles et affichent souvent un programme économique de gauche, particulièrement sur la question de l’État providence. Ce sont des centristes créatifs qui défendent un nouvel ensemble d’idées et puisent dans les programmes et l’électorat de la gauche comme de la droite. Ils représentent la réponse saine, normale, légitime et constructive d’un peuple sous tension. De plus, ils disent ce que beaucoup de gens pensent.

Prenons par exemple le cas des dernières atrocités en date. Comme d’habitude, Le Pen était la seule, parmi les dirigeants français, à s’exprimer courageusement en nommant la cause de ces maux : « Nous combattons une idéologie, le fondamentalisme islamiste ». À l’opposé, le président François Hollande a menti effrontément : « Ceux qui ont commis ces actes, ces fanatiques, n’ont rien à voir avec la religion musulmane. » (Son Premier ministre Manuel Valls, a fait un peu mieux : « Nous faisons une guerre… contre l’islam radical. »).

Outre le FN en France, on retrouve des partis similaires comme le Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni, l’UDC (Suisse), le Parti de la Liberté d’Autriche, Alternative pour l’Allemagne, le Parti populaire danois, le Parti du Progrès (Norvège), les Démocrates suédois, les Vrais Finlandais et – en tête de tous ces mouvements – le Parti de la Liberté, fondé aux Pays-Bas par Geert Wilders que je considère comme l’homme politique le plus important en Europe.

Deux préoccupations figurent en tête de leurs programmes : l’Union européenne et l’islamisme. L’UE suscite des réactions négatives pour diverses raisons – les Britanniques veulent en sortir, les Allemands veulent débourser moins pour les autres, les Grecs veulent moins d’austérité : tous se sentent oppressés par cette organisation supranationale qui a connu des débuts modestes en 1951 avec la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier. Seuls les bureaucrates bien payés de l’UE et les nantis éloignés des réalités de la vie quotidienne peuvent affirmer que tout va bien.

Concernant l’islamisme, la réponse à travers toute l’Europe est la même. De l’Espagne à la Norvège, on entend qu’il y a trop d’immigrés, trop de concessions, trop de privilèges, trop de maux dans la société, trop d’islam arrogant et envahissant, trop de charia (loi islamique) et trop de violence. Les Européens sont de plus en plus nombreux à craindre l’islamisme, à déplorer la perte de leur culture traditionnelle et à s’inquiéter pour l’avenir de leurs enfants.

Les partis traditionnels, les médias et les universitaires se sont engagés dans une campagne de dénigrement, de marginalisation et d’ostracisme menée contre tous ces partis en vue de les mettre au ban de la société, comme s’ils étaient les nouveaux nazis. Cette attitude est dangereuse et inutile. Dangereuse, car le fait de ne pas les accepter et de ne pas les respecter peut pousser certains de leurs membres à s’exprimer en recourant à l’extrémisme et à la violence. Inutile, car le nombre de partisans que compte cette myriade de mouvements, augmente de façon inexorable. À titre d’exemple, les Démocrates suédois ont vu leur nombre d’électeurs doubler à chacune des quatre dernières élections. Des études placent Le Pen et Wilders en tête des sondages de leurs pays respectifs. S’ils continuent à gagner de nouveaux adhérents, bon nombre de ces partis auront bientôt une voix qui compte dans les pays européens.

Plutôt que de se lancer dans des tentatives de stigmatisation et d’exclusion, les pouvoirs établis devraient encourager les partis populistes à la modération, au perfectionnement et à la participation pleine et entière à la vie politique. Même si une partie de ces derniers a tendance à être indisciplinée et à tomber dans la paranoïa ou d’autres choses inacceptables, ils apprennent au fur et à mesure et deviennent, bon an mal an, plus acceptables. Il est vrai que beaucoup d’entre eux ont un passé douteux – mais c’est également le cas de partis établis de longue date dans des pays comme la France, l’Allemagne ou la Suède.

Qu’ils soient les bienvenus ou pas, les partis rebelles sont là. Dès lors, l’avenir sera meilleur pour tout le monde si ces partis jouent le rôle qu’on attend d’eux tout en bénéficiant de la coopération des partis établis et non plus en étant vilipendés. Ils méritent la politesse et le respect.

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