jeudi 1 janvier 2015

Les Suédois viennent-ils d’opter pour le suicide de leur pays ?


par Daniel Pipes
National Review Online
30 décembre 2014

Version originale anglaise : Did Swedes Just Decide for National Suicide ?
Traduction française : Johan Bourlard

Malheur à quiconque oserait contester l’opinion orthodoxe selon laquelle l’idée d’accueillir un grand nombre d’indigents venus de pays comme l’Irak, la Syrie et la Somalie, ne peut être qu’une bonne et noble idée. Celui qui dit simplement que l’immigration annuelle en provenance d’une civilisation différente devrait tourner autour de 1 % de la population actuelle, est mis au ban de la politique, de la société et même de la loi. (Je connais un journaliste qui a été menacé d’arrestation pour avoir été en léger désaccord sur ce point). Le fait de déclarer qu’il existe une culture suédoise digne d’être préservée, suscite la perplexité.

La réalité de l’immigration s’impose pourtant au regard de tous : la dépendance vis-à-vis de l’aide sociale ainsi que le sectarisme violent à l’encontre des juifs et des chrétiens, auxquels s’ajoute une série de pathologies sociales allant du chômage au viol à motivation politique. Aussi les Suédois sont-ils de plus en plus nombreux à se démarquer – avec les risques que l’on connaît – du consensus et à s’inquiéter face au suicide culturel de leur pays.

Le tabou qui règne par rapport à de telles opinions signifie que les partis politiques, à l’exception d’un seul, soutiennent fermement une immigration continuelle. Seuls les Démocrates suédois (SD) offrent une alternative en proposant de réels efforts en faveur d’une intégration des immigrés actuels et en préconisant une diminution de 90 % de l’immigration à venir. Malgré un passé aux relents néo-fascistes (qui, par ailleurs, n’est pas propre à ce parti), les SD ne cessent de gagner en respectabilité et ont engrangé des succès aux élections législatives qui ont fait doubler son score à deux reprises, passant de 3 % en 2006 à 6 % en 2010 et à 13 % en 2014. Tous les Suédois avec qui j’ai pu parler lors d’une visite récente dans ce pays, s’attendent à ce que les voix en faveur des SD augmentent encore, ainsi que le confirment de récents sondages.

Si un parti ou un bloc de partis détenait une large majorité au parlement monocaméral suédois (le Riksdag), les SD n’auraient aucune espèce d’importance. Or, les deux blocs qui s’affrontent au Riksdag sont d’un poids presque égal. Alors que trois partis de gauche contrôlent 159 des 349 sièges, « l’aile droite » (les guillemets indiquent que, du point de vue américain, il s’agit d’une droite à peine conservatrice), l’Alliance pour la Suède composée de quatre partis, dispose de 141 sièges. Cela signifie donc qu’avec leurs 49 sièges, les SD détiennent un poids déterminant dans la balance du pouvoir.

Cependant les SD sont voués à l’anathème de sorte qu’aucun parti ne négocie avec lui pour le vote des lois, pas même de façon indirecte par la voie médiatique. La Gauche et la « Droite » cherchent l’une et l’autre à les isoler et à les discréditer. Cela n’a pas empêché les SD de jouer un rôle déterminant dans l’adoption de certaines lois très importantes, notamment le vote du budget annuel. En restant fidèle à sa politique consistant à évincer du pouvoir tout gouvernement qui refuse de réduire l’immigration, les SD ont fait tomber au début de 2014, le gouvernement formé par l’Alliance pour le Suède. Ces dernières semaines ont vu ce scénario se répéter, lorsque les SD se sont joints à l’Alliance pour s’opposer au budget de la Gauche et contraindre ainsi le gouvernement à convoquer de nouvelles élections en mars 2015.

C’est alors que, chose pour le moins surprenante, les deux grands blocs se sont accordés non seulement sur le budget de cette année mais aussi sur les budgets futurs et sur le partage du pouvoir jusqu’en 2022. Les alliances de gauche et de « droite » ont scellé des compromis de façon à ce que les élections qui doivent se tenir en mars permettent à la Gauche de gouverner jusqu’en 2018 et à la « Droite » de prendre la relève de 2018 à 2022. De cette façon, ce cartel politique prive les SD non seulement de leur rôle pivot dans le cas où aucune majorité parlementaire ne se dégagerait en 2018, mais aussi de tout rôle significatif au parlement durant les huit prochaines années au cours desquelles le dossier de l’immigration sera mis au frigo.


Une version graphique des accords passés entre les deux blocs au parlement suédois (l’anémone hépatique est le symbole des Démocrates suédois).

Ce qui est absolument incroyable, c’est que pour étouffer le débat sur la question la plus controversée du pays, 86 % des députés ont uni leurs forces pour marginaliser les 14 % qui ne sont pas d’accord. Les deux grands blocs ont aplani leurs différences déjà ténues pour exclure le parti populiste en révolte. Mattias Karlsson, chef par intérim des SD, observe très justement que ce compromis a fait de sa formation politique le seul parti d’opposition.

À long terme, les choses se présentent toutefois plutôt bien pour les SD qui devraient tirer profit de ce tour de passe-passe antidémocratique. Les Suédois, habitués de longue date à la démocratie, n’apprécient pas ce genre d’accord en catimini qui annulera presque à coup sûr  leur vote en 2018. Ils n’aiment pas son côté intimidant. Ils n’apprécient pas non plus le fait qu’on évite d’aborder cette question ultrasensible. Et quand sera venu le temps de « jeter dehors tous ces minables », comme ils le font toujours, les Démocrates suédois offriront la seule alternative à une coalition usée et divisée par huit longues années de pouvoir au cours desquelles les problèmes d’immigration auront suscité l’inquiétude d’un nombre croissant d’électeurs.

En d’autres termes, cet acte répressif manifeste ne fait qu’attiser le débat qu’on tente d’étouffer. Dans très peu de temps, la question majeure du suicide national pourrait en réalité refaire surface.

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