par Daniel Pipes
National Review Online
30 décembre 2014
Version
originale anglaise : Did Swedes Just Decide for National
Suicide ?
Traduction française : Johan Bourlard
Malheur
à quiconque oserait contester l’opinion orthodoxe selon laquelle l’idée
d’accueillir un grand nombre d’indigents venus de pays comme l’Irak, la Syrie
et la Somalie, ne peut être qu’une bonne et noble idée. Celui qui dit simplement
que l’immigration annuelle en provenance d’une civilisation différente devrait
tourner autour de 1 % de la population actuelle, est mis au ban de la
politique, de la société et même de la loi. (Je connais un journaliste qui a été
menacé d’arrestation pour avoir été en léger désaccord sur ce point). Le fait
de déclarer qu’il existe une culture suédoise digne d’être préservée, suscite
la perplexité.
La
réalité de l’immigration s’impose pourtant au regard de tous : la
dépendance vis-à-vis de l’aide sociale ainsi que le sectarisme violent à
l’encontre des juifs et des chrétiens, auxquels s’ajoute une série de
pathologies sociales allant du chômage au viol à motivation politique. Aussi
les Suédois sont-ils de plus en plus nombreux à se démarquer – avec les risques
que l’on connaît – du consensus et à s’inquiéter face au suicide culturel de
leur pays.
Le
tabou qui règne par rapport à de telles opinions signifie que les partis
politiques, à l’exception d’un seul, soutiennent fermement une immigration continuelle.
Seuls les Démocrates suédois (SD) offrent une alternative en proposant de réels
efforts en faveur d’une intégration des immigrés actuels et en préconisant une
diminution de 90 % de l’immigration à venir. Malgré un passé aux relents
néo-fascistes (qui, par ailleurs, n’est pas propre à ce parti), les SD ne cessent de gagner en
respectabilité et ont engrangé des succès aux élections législatives qui ont
fait doubler son score à deux reprises, passant de 3 % en 2006 à 6 %
en 2010 et à 13 % en 2014. Tous les Suédois avec qui j’ai pu parler lors
d’une visite récente dans ce pays, s’attendent à ce que les voix en faveur des
SD augmentent encore, ainsi que le confirment de récents sondages.
Si
un parti ou un bloc de partis détenait une large majorité au parlement
monocaméral suédois (le Riksdag), les
SD n’auraient aucune espèce d’importance. Or, les deux blocs qui s’affrontent
au Riksdag sont d’un poids presque
égal. Alors que trois partis de gauche contrôlent 159 des 349 sièges,
« l’aile droite » (les guillemets indiquent que, du point de vue
américain, il s’agit d’une droite à peine conservatrice), l’Alliance pour la
Suède composée de quatre partis, dispose de 141 sièges. Cela signifie donc
qu’avec leurs 49 sièges, les SD détiennent un poids déterminant dans la balance
du pouvoir.
Cependant
les SD sont voués à l’anathème de sorte qu’aucun parti ne négocie avec lui pour
le vote des lois, pas même de façon indirecte par la voie médiatique. La Gauche
et la « Droite » cherchent l’une et l’autre à les isoler et à les
discréditer. Cela n’a pas empêché les SD de jouer un rôle déterminant dans
l’adoption de certaines lois très importantes, notamment le vote du budget
annuel. En restant fidèle à sa politique consistant à évincer du pouvoir tout
gouvernement qui refuse de réduire l’immigration, les SD ont fait tomber au
début de 2014, le gouvernement formé par l’Alliance pour le Suède. Ces
dernières semaines ont vu ce scénario se répéter, lorsque les SD se sont joints
à l’Alliance pour s’opposer au budget de la Gauche et contraindre ainsi le
gouvernement à convoquer de nouvelles élections en mars 2015.
C’est
alors que, chose pour le moins surprenante, les deux grands blocs se sont
accordés non seulement sur le budget de cette année mais aussi sur les budgets
futurs et sur le partage du pouvoir jusqu’en 2022. Les alliances de gauche et
de « droite » ont scellé des compromis de façon à ce que les élections qui
doivent se tenir en mars permettent à la Gauche de gouverner jusqu’en 2018 et à
la « Droite » de prendre la relève de 2018 à 2022. De cette façon, ce
cartel politique prive les SD non seulement de leur rôle pivot dans le cas où
aucune majorité parlementaire ne se dégagerait en 2018, mais aussi de tout rôle
significatif au parlement durant les huit prochaines années au cours desquelles
le dossier de l’immigration sera mis au frigo.
Une
version graphique des accords passés entre les deux blocs au parlement suédois
(l’anémone hépatique est le symbole des Démocrates suédois).
Ce
qui est absolument incroyable, c’est que pour étouffer le débat sur la question
la plus controversée du pays, 86 % des députés ont uni leurs forces pour
marginaliser les 14 % qui ne sont pas d’accord. Les deux grands blocs ont
aplani leurs différences déjà ténues pour exclure le parti populiste en
révolte. Mattias Karlsson, chef par intérim des SD,
observe très justement que ce compromis a fait de sa formation politique le
seul parti d’opposition.
À
long terme, les choses se présentent toutefois plutôt bien pour les SD qui
devraient tirer profit de ce tour de passe-passe antidémocratique. Les Suédois,
habitués de longue date à la démocratie, n’apprécient pas ce genre d’accord en
catimini qui annulera presque à coup sûr
leur vote en 2018. Ils n’aiment pas son côté intimidant. Ils
n’apprécient pas non plus le fait qu’on évite d’aborder cette question
ultrasensible. Et quand sera venu le temps de « jeter dehors tous ces
minables », comme ils le font toujours, les Démocrates suédois offriront
la seule alternative à une coalition usée et divisée par
huit longues années de pouvoir au cours desquelles les problèmes d’immigration auront
suscité l’inquiétude d’un nombre croissant d’électeurs.
En
d’autres termes, cet acte répressif manifeste ne fait qu’attiser le débat qu’on
tente d’étouffer. Dans très peu de temps, la question majeure du suicide
national pourrait en réalité refaire surface.
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