par Abigail R. Esman
Special
to IPT News
12
septembre 2014
Version
originale anglaise : Guest Column : Where Did IS Come
From ?
Traduction
française : Johan Bourlard
À
cette question, il y a une réponse toute simple, qui est celle que vous
entendrez le plus souvent : l’EI, ou État islamique (anciennement EIIL),
est une émanation d’Al-Qaïda qui s’est développée à la faveur de la guerre
civile en Syrie et des troubles en Irak.
Mais
ce n’est là qu’une partie de la réalité : le reste se trouve en Europe (et
même en Amérique), où les gouvernements ont continuellement – même sans le
vouloir – financé des programmes qui ont produit de la radicalisation au sein
des communautés musulmanes de leurs pays. À présent, de plus en plus de ces
musulmans radicaux, dont la plupart sont nés et ont grandi en Occident,
rejoignent l’EI et son djihad. Face à cette situation, les dirigeants européens
prennent des mesures qui pourraient en fait aggraver la menace.
En
réalité, alors que l’EI renforce son ancrage en Irak, les jeunes musulmans
européens sont de plus en plus enclins à le rejoindre. Après les scènes
horribles de décapitations et d’exécutions perpétrées ces dernières semaines par
l’EI, le nombre de jeunes Belges partant rejoindre le groupe terroriste en
Syrie a, selon l’agence de sécurité belge OCAM, augmenté de façon
significative. Comme l’indique le quotidien belge Het
Nieuwsblad :
« La hausse récente est frappante et, selon nos informations, elle est due
en partie à la propagande importante à laquelle se livre l’EI sur les réseaux
sociaux. La diffusion d’images choquantes, comme les exécutions de masse de 250
soldats syriens et l’exécution du journaliste américain James Foley, ne fait
apparemment que pousser les jeunes musulmans vers la radicalisation. »
Et
la Belgique n’est pas un cas unique.
La
semaine dernière, les autorités néerlandaises ont arrêté deux familles originaires de la ville de Huizen
alors qu’elles se préparaient à rejoindre le djihad en Syrie. Les passeports
des parents et des six enfants, âgés de huit mois à neuf ans, ont été
confisqués. À peu près au même moment, le radical hollando-américain connu sous
le nom de Jermaine W a réussi à partir pour la Syrie avec sa femme et
ses enfants. Jermaine, dont le père était américain, est bien connu aux
Pays-Bas en tant que membre du groupe extrémiste néerlandais Hofstad et ami du
dirigeant de ce groupe, Mohammed Bouyeri, le terroriste qui a tué le cinéaste
Theo Van Gogh. Jermaine a été arrêté en 2004 pour avoir écrit une lettre dans
laquelle il projetait d’assassiner l’activiste et alors parlementaire Ayaan
Hirsi Ali. Mais il a finalement été relâché en 2006, « faute de preuves
suffisantes ».
À
l’instar de Jermaine, nombre de ces djihadistes européens voyagent avec leurs
enfants qu’ils placent ensuite dans des camps d’entraînement djihadistes dans
l’espoir de produire une nouvelle génération plus forte de guerriers islamiques
combattant pour l’État islamique. Publié récemment, un reportage de VICE montre un père belge en train
d’apprendre à son très jeune fils à tuer les « incroyants », alors
que d’autres enfants jouent et s’entraînent avec des fusils.
Cependant,
le problème n’est pas né avec l’émigration en Syrie. Il a commencé avec la
radicalisation de ces musulmans qui vivaient alors sur le sol européen, se
rendaient dans des mosquées européennes et participaient à des programmes
européens pour de jeunes musulmans – des programmes créés bien souvent dans le
but de prévenir une telle radicalisation. Selon un reportage de l’hebdomadaire néerlandais Elsevier, de nombreuses mosquées
présumées modérées ont utilisé les fonds publics pour financer les visites
d’imams extrémistes comme Usman Ali, qui a donné des conférences au Greenwich
Islamic Center. Selon Elsevier, le
cachet perçu par Ali a été payé au moyen d’une subvention publique de 75.000
euros pourtant clairement destinée à « prévenir la radicalisation ».
En 2010, Ali faisait partie de ce centre qui à l’époque, percevait jusqu’à
168.000 euros de subventions publiques.
En
quelques mots Usman Ali est notamment connu pour avoir montré les vidéos des
attentats du 11 Septembre à des enfants tout en s’exclamant « Allah est le
plus grand » (Allahu Akbar),
selon Elsevier. Dirigeant de ce qu’on
a qualifié de « puissant réseau de radicaux islamiques et de condamnés terroristes »,
il a également été accusé d’avoir inspiré à Micheal Adebolajo et Michael
Adebowale l’horrible quasi-décapitation du soldat britannique Lee Rigby
non loin de la base militaire de Woolwich, au sud-est de Londres. Interviewé par Al-Jazeera, Ali a nié ces accusations.
Des
situations semblables abondent aux Pays-Bas. Le cas le plus emblématique est celui
de la Mosquée bleue d’Amsterdam, dont la gestion est assurée, au travers d’un réseau
complexe d’organismes et de financements, par les Frères Musulmans, dont la
possession est détenue par le gouvernement koweitien et la direction assurée par
le ministre koweitien des Affaires religieuses. Parmi les intervenants invités à cet endroit, il y a eu
Khalid Yasin, largement connu pour avoir inspiré le terroriste aux
sous-vêtements piégés Umar Farouk Abdulmuttalab.
Plus
près des États-Unis, la Muslim Association of Canada, qui a reçu des fonds du gouvernement
de l’Alberta, a en retour financé le Hamas et l’Islamic Relief and Human
Concern International (IRHCI). D’après des documents stockés sur Point de Bascule, un site internet conservateur
basé au Canada, « Islamic Relief Canada reprend sur son site internet, huit
catégories de personnes bénéficiant de la zakat. Ces huit catégories
correspondent exactement à celles répertoriées dans le manuel de droit
islamique (charia) intitulé Umdat al-Salik (« Confiance du
voyageur »), approuvé par les Frères Musulmans. » L’organisation
encourage aussi particulièrement les dons au profit des « musulmans qui
font le djihad : ceux qui luttent dans le chemin d’Allah. »
Les
gouvernements occidentaux ne savent probablement pas qu’ils financent de tels
projets : mais comme le souligne Elsevier,
« les services de sécurité allemands mettent en garde depuis des années –
comme dans leur rapport annuel de 2007 – que les organisations islamiques
modérées peuvent donner naissance à des groupes radicaux. Si elles ne recrutent
pas de jeunes pour le djihad, elles les encouragent néanmoins à développer une
« identité islamique » forte, ce qui accroit bien plus le risque de
radicalisation. »
À
présent, l’Europe propose, pour sortir de cette piteuse situation, de nouvelles
mesures dont la première est de priver de leur passeport ceux qui partent en
Syrie ou qui sont arrêtés aux frontières ou en chemin, à l’instar des deux familles
de Huizen.
Mais
est-ce là la meilleure réponse ? Les musulmans qui se mettent en route pour
aller faire le djihad sont déjà radicalisés. Ils ont déjà tourné le dos à l’Occident
et pris l’engagement de le combattre – par la violence et sans merci. Ils sont
corps et âme du côté de l’État islamique même s’ils vivent à Paris, à New York,
à Amsterdam ou à Détroit. Leur retirer leur passeport ne fait que les maintenir
là où ils sont, c’est-à-dire parmi nous qui sommes leurs ennemis, ceux qu’ils
projettent de détruire.
La
vérité tragique et dérangeante est que c’est nous qui avons contribué à forger
leurs idées meurtrières et leur haine de l’Occident. Il s’agit bien de notre
erreur. Et nous ne devrions pas en commettre une autre en les gardant ici,
parmi nous. Qu’on les laisse partir et qu’on ferme la porte derrière eux.
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