samedi 6 septembre 2014

L’EIIL : un complot juif ? Propagande et Djihad islamique


Par Abigail R. Esman
Special to IPT News
22 août 2014

Traduction française : Johan Bourlard

Il aura fallu à Yasmina Haifi plus de neuf ans de travail au sein du ministère néerlandais de la Justice et de la Sécurité pour finalement découvrir la vérité cachée à propos de l’État islamique : celui-ci n’a rien d’islamique. Il s’agit en fait d’un complot juif. 
Ah bon, vraiment ? Ce groupe terroriste connu anciennement sous le nom d’EIIL et qui s’est rendu responsable d’actes de génocide en Irak, de la décapitation du journaliste américain James Foley et du meurtre d’un nombre incalculable de femmes et d’enfants dans le cadre de la guerre qu’il mène pour établir un nouveau Califat islamique, ce groupe terroriste est en fait, selon les révélations de Haifi dans un message posté récemment sur Twitter, une « idée délibérément préconçue par les Sionistes pour noircir la réputation de l’Islam. »
Le chef de l’État islamique, Abu Bakr al-Baghdadi, n’est pas musulman non plus. C’est un agent du Mossad. 
Tout ceci relève bien évidemment de la théorie du complot et est à ranger parmi les énormités au même titre que les meurtres rituels ou la responsabilité des Juifs dans les attentats du 11 Septembre. Et pourtant, chose étonnante, Haifi n’est pas le seule à y croire : ainsi de nombreux sites islamiques et islamistes affirment que l’ancien informaticien de la NSA connu pour ses révélations, Edward Snowden, est en possession de documents prouvant l’implication des États-Unis, d’Israël et de la Grande-Bretagne dans un complot visant à créer l’État islamique dans le but de préserver l’État juif.
Et cela suffit à Haifi. Bien qu’elle ait été licenciée de son poste au ministère juste après ses déclarations, elle a par la suite maintenu ses propos lors d’une interview à la radio : « J’ai lu des articles à ce sujet. Il existe suffisamment de preuves pour établir un lien entre Israël et l’EIIL. »
Cela apparaît comme une « nouvelle » surprenante – et certainement décevante – pour un certain nombre de musulmans, dont Abdoe Khoulani, chef du mouvement musulman néerlandais Parti de l’Unité (Partij van de Eenheid), qui, au début de cet été, annonçait son soutien au groupe terroriste en écrivant sur Facebook : « Longue vie à l’EIIL et inchâ Allah en route pour Bagdad pour s’attaquer à toute cette racaille. »
Et comment expliquer aussi tous ces rassemblements de musulmans en faveur de l’EIIL, à Amsterdam, à La Haye, à Paris et ailleurs en Europe ? Comment expliquer que ces mêmes partisans de l’EIIL descendent dans la rue en faisant le salut nazi et en scandant « Mort aux juifs » ?
L’enchaînement des événements – d’abord l’antisémitisme exprimé par les partisans de l’EIIL puis l’antisémitisme consistant à attribuer l’EI à un complot juif – ne fait pas que donner le tournis, c’est également un procédé perfide qui ne va faire qu’accroître la haine antijuive et la confusion parmi les responsables politiques, les services de sécurité et la police.
Dans les faits c’est la situation qui se produit actuellement à La Haye, où le maire Josias van Aartsen n’a absolument pas réagi face aux manifestants pro-EIIL appelant à l’envoi de « tous les juifs au gaz » et menaçant d’exécuter les juifs et les infidèles partout dans le monde. Peu après la demande des principaux membres du Parlement néerlandais d’écourter ses vacances et de rentrer au pays pour gérer cette crise, il s’est justifié de sa décision de rester en vacances en France pendant les émeutes en disant : « Ce n’était ni le chaos, ni l’anarchie. Je n’ai pas vu la nécessité de m’abaisser à ce niveau. »
Cela dit, on remarque que de nombreux musulmans à La Haye – particulièrement ceux qui vivent aux environs des rassemblements pro-EIIL – voient les choses autrement. Un homme de 34 ans, nommé simplement Brahim, a déclaré à un journaliste du quotidien néerlandais De Telegraaf : « Qu’ils fichent le camp notre quartier sinon des têtes barbues vont tomber. »
Des Kurdes du quartier se sont plaints aussi. « J’ai fui l’Irak il y a 14 ans » a dit l’un d’eux au Telegraaf. « Et maintenant que je suis en Hollande, je suis confronté aux mêmes fondamentalistes. Personne ne me protège. Les Pays-Bas doivent réagir avec fermeté avant que la situation ne dégénère complètement. » Brahim acquiesce : « Qu’on les arrête et qu’on les enferme pour longtemps, s’il vous plaît. »
Et pourtant cela ne s’est pas produit. Les Josias van Aartsen d’Occident continuent de négliger l’importance de la menace représentée par les musulmans radicalisés des grandes villes européennes, des villages américains et des provinces canadiennes. Pensons, par exemple, à l’ancien archevêque de Canterbury, Rowan Williams, qui pensait que les tribunaux de la charia pourraient « unifier » l’Europe, ou encore à l’ancienne ministre canadienne de la Justice Marion Boyd qui plaidait pour introduire la charia dans les tribunaux canadiens de la famille. Ces exemples rappellent les paroles de sagesse de l’ancien ministre britannique de l’Intérieur, Mike O’Brien, qui, il y a 14 ans, faisait remarquer que « la sensibilité multiculturelle ne pouvait pas excuser l’aveuglement moral. »
Exclure « l’aveuglement moral » n’est qu’un début. Le fait que le « chaos » n’a pas eu lieu à La Haye le 26 juillet n’est pas la question. La pire des violences et les abus les plus dévastateurs ne surgissent pas de nulle part. Ils commencent par des mots et par des idéologies qui créent ces mots bien à propos. Il peut s’agir de paroles simples comme « Tuez les juifs » ou complexes comme « Les juifs ont créé le groupe terroriste de l’EIIL qui décapite des hommes musulmans et massacre et réduit en esclavage des femmes et des enfants. »
Comme l’observait Brahim, pendant les manifestations à La Haye, même les petits enfants « avaient un drapeau dans la main et hurlaient Allahu Akbar » en soutien à l’EI – ce sont ces mêmes paroles qui attisent la haine et poussent aux cruelles atrocités qui caractérisent l’État islamique.
Si nous ne restons plus moralement aveugles face aux actions de l’EI et de ses partisans, où qu’ils vivent, alors nous ne pouvons plus non plus rester sourds à ces paroles qui, dans leur arsenal de haine et de violence, constituent peut-être les armes les plus puissantes de leur djihad.
Abigail R. Esman, est rédactrice indépendante et vit à New York et aux Pays-Bas. Elle est l’auteur de l’ouvrage Radical State : How Jihad is Winning Over Democracy in the West [L’État radical ou comment le djihad est en train de vaincre la démocratie occidentale] publié chez Praeger en 2010.

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